mardi 24 décembre 2013

Chanter Noël dans le métro parisien

Ici a commencé mon étrange périple (basé sur des faits réels)
Décembre à Paris, c’est le moment où la Ville-Lumière mérite plus que jamais son resplendissant surnom. Les illuminations de Noël, ce n’est certes pas ça qui manque par ici. Mais alors où est la musique ? Où sont les cantiques ? En Martinique, à peine les bougies de la Toussaint se sont-elles consumées dans les cimetières que toute l’île entonne des cantiques, pratiquement sans interruption jusqu’à Noël, huit semaines plus tard. En Martinique, Noël se chante deux mois par an. Mais ici, c’est une autre histoire...

Perdu dans mes pensées, je monte dans une rame de métro bruyante et brinquebalante à la station Bonne Nouvelle, sur la ligne 8. Tiens donc... Bonne Nouvelle, dites-vous ? Me voilà pris de vertiges soudains. Le vacarme des freins, des lourdes portes coulissantes et des loquets chromés, le bruit diffus des accordéonistes moldaves et des voyageurs entassés s’évanouissent instantanément. La température monte. Les néons blafards laissent la place à une belle nuit étoilée, bercée de tièdes alizés. J’entends le cri-cri lointain des grillons, le tapage strident des insectes et la samba coassante des grenouilles. Battement de tambours, tintamarre de chachas et de ti-bwa bien en rythme. Une fervente cacophonie de voix avinées se fait entendre, dans un unisson approximatif :

Qu’on vient nous annoncer !
Une mère est vierge (bis)
Un sauveur nous est né.
Bon, bon, bon (ter)
Accourons-y donc »

dimanche 10 novembre 2013

Escapade à Québec en images

Une éclaircie sur le Château Frontenac, le 27 octobre
Dans l’ombre de l’envoûtante Montréal, grande cité commerciale à la skyline colossale, vaste métropole multiraciale de renommée mondiale, la ville de Québec, discrète «capitale nationale» et siège des principales institutions gouvernementales, est une fait figure de bourgade tranquille au charme tout provincial. 

Provinciale, peut-être, mais avec sa population qui dépasse peinard le demi-million d’âmes, elle se paie le luxe de surclasser Lyon. En fait, la capitale qui a donné son nom à la Belle Province a deux fois plus d’habitants que Bordeaux, et pour enfoncer le clou, et ça c’est l’argument qui mettra tout le monde d’accord, elle est carrément cinq fois plus peuplée que Fort-de-France. Bref, qu’on se le dise, Québec n’est pas une petite ville, loin de là. Voilà qui devrait remettre les pendules à l’heure.

vendredi 1 novembre 2013

Guincher pour Halloween, c’est la croix et la Bavière

Vous comptiez fêter Halloween en Allemagne ? En voilà une idée qu’elle est bonne ! Mais attention à éviter certains terreaux moins... favorables, disons.

Une citrouille d’Halloween à Berlin en octobre 2010
La fête d’Halloween fait de plus en plus d’adeptes en Teutonie. Chaque année, le 31 octobre, les rues des grandes villes du pays sont envahies à la nuit tombée de gangs de petits vampires et de sorcières en herbe, qui extorquent bonbons et friandises à des passants relookés en zombies. „Süßes oder Saures“ (le fameux trick or treat, version teutonne), menacent les petites pestes avec une insolence enjouée. Plus tard, les fêtards en tenues macabres s’étourdissent à l’unisson lors de soirées endiablées où l’alcool coule à flots jusques au chant du coq le matin suivant. Bref, la tradition est bien entrée dans les mœurs.

Hélas, dans la très chrétienne Bavière, au sud du pays, il en va autrement.

mardi 15 octobre 2013

WTF Berlin #1 - Les cheveux au vent

Il manquait à ce blog une rubrique «WTF Berlin». J’avoue m’être effrontément inspiré du Tumblr WTF Belleville. Ça fait belle lurette que je collectionne les photos de scènes de rues passablement dingues de cette capitale qui ne semble décidément pas avoir toute sa tête. À force de ne pas savoir qu’en faire, je me suis enfin décidé à les partager avec le reste de l’humanité.

Alors voilà. Sous vos applaudissements, je déclare solennellement la rubrique WTF Berlin ouverte.

Friedrichshain, le 2 août
Kreuzberg, le 23 août
Kreuzberg, le 27 août
Ça vous a plu ? Alors votez pour les Chroniques Berliniquaises aux Golden Blog Awards ! Et n’hésitez pas à revenir voter plusieurs fois si vous le voulez bien...

mercredi 9 octobre 2013

Le rocker et le Mur

Un mardi de septembre à Friedrichshain. Sous la chape de grisaille ton sur ton qui a définitivement délogé le soleil de la voûte céleste, la capitale teutonne fait son deuil d’un bel été trop vite terminé. Il n’y a pas grand monde sur la Mühlenstraße, cette quatre-voies sans attrait qui longe la Spree entre l’Oberbaumbrücke et Ostbahnhof. Pourtant le secteur est habituellement prisé des touristes qui aiment à s’extasier en larges troupeaux devant les fresques très inégales de l’East Side Gallery. Et où sont donc les Berlinois ? N’ont-ils pas entendu qu’une manif se tiendra à 15 heures précises devant le chantier de la future tour Living Levels, énième métastase du cancer immobilier généralisé qui ronge la capitale ? Un mardi à 15 heures, et alors ? Se peut-il vraiment que Berlin travaille, parfois ? Ou les habitants, lassés de toutes ces manifs pour rien, se sont-ils finalement résignés ?

À l’heure convenue, il n’y a vraiment pas la foule des grands jours devant la brèche dans le Mur, l’ulcère béant de la spéculation, ouvert en mars à coups de tractopelle. À peine 200 personnes présentes, pour plus de 90.000 signataires de la pétition pour la sauvegarde de l’East Side Gallery. En se serrant un peu, on tiendrait tous dans les toilettes du Berghain tout proche. Tiens, c’est une idée, ça : organiser les prochaines manifs dans les discothèques... Là, au moins, il y aura du beau monde. Je la note et en ferai part au collectif pour la défense du Mur.

lundi 30 septembre 2013

Trois ans de Chroniques Berliniquaises : les résultats du jeu-concours

Chers amis lecteurs qui depuis la nuit des temps suivez assidument ce blog, l’heure est venue de mettre fin à cet insoutenable suspense et de révéler enfin les noms des heureux gagnants !

Merci d’avoir été si nombreux à tenter votre chance au grand jeu des trois ans. J’espère toutefois que pour le prochain jeu-concours, vous serez encore plus nombreux à vous jeter à l’eau. Mais voici sans plus tarder les réponses aux questions posées.

dimanche 22 septembre 2013

Électorallemand vôtre : mes affiches « préférées » de la campagne 2013

Une affiche des Republikaner, parti
d'extrême droite xénophobe, le 12 septembre
Misère ! La campagne électorale est déjà pliée, et Angela la magicienne vient tout juste d’être triomphalement réélue. Bravo Angie ! C’est pas qu’on ne s’y attendait pas, mais tout de même, il n’était pas interdit d’envisager une surprise... Une conséquence importante de cette réélection, que je ne peux pas passer sous silence : le Burgeramt Frühstücksklub, mon restau de burgers préférés à Friedrichshain, ne sera pas obligé de changer la porte de ses toilettes. Et ça, c’est une sacrée bonne nouvelle.

En revanche, la mauvaise nouvelle, c’est que la foire aux affiches douteuses dans les rues de Berlin touche à sa fin. Et ça, c’est bien dommage. On s’y était à habitué, voire attaché, à ces rectangles de carton coloré qui ont décoré les lampadaires pendant ces quatre ou cinq dernières semaines. Quelques unes me manqueront, c’est sûr. Alors, avant de tourner une fois pour toute la page de ces élections, revoyons une dernière fois ensemble les affiches les plus «réussies» de cette campagne électorale dans les rues de Berlin.

dimanche 15 septembre 2013

Harry Potter et le portrait de la Bundeskanzlerin

Dans le monde enchanté des apprentis sorciers de Hogwarts (je n’arrive pas à me faire à «Poudlard»), des quidams perchés avec décontraction sur des balais volants fendent gaiement les airs, et les portraits magiques, en photo ou peints à l’huile, font un brin de causette à quiconque les observe d’assez près. Évidemment, grommeleront les moins fantaisistes d’entre nous, tout ceci est bien joli, mais ce n’est que de la fiction, et d’ailleurs cela le restera. Pas si sûr ! J. K. Rowling en a rêvé, et la CDU l’a fait. Certes, les balais supersoniques Made in Dschörmany ne sont pas encore prêts à quitter les lignes d’assemblage des usines Porsche, mais en revanche, les photos parlantes, c’est désormais une réalité de cette campagne électorale 2013 en Allemagne ! 

Et vous aussi, chers Lecteurs, vous pouvez désormais entendre la douce voix maternelle de la Chancelière vous susurrant à l’oreille son projet de prospérité économique et d’avenir radieux pour les ti n’enfants de la Teutonie de demain. Comment vous y prendre pour assister de visu à ce prodige surnaturel ? Pour ce faire, vous aurez besoin d’une affiche, d’un smartphone, et d’une carapace mentale blindée et/ou d’œillères pour ignorer les regards intrigués ou moqueurs des passants. C’est parti.

jeudi 5 septembre 2013

Trois ans de Chroniques Berliniquaises

Chers lecteurs à la fidélité à toute épreuve, chères Vahinés à la crinière indomptée virevoltant dans la brise pré-automnale, ce 5 septembre marque le troisième anniversaire de mon premier billet sur les Chroniques Berliniquaises, qui d’ailleurs s’appelaient «Euroantilles» à l’époque. Je suis plutôt content, on va dire, de ne pas avoir gardé ce premier nom...

Ce 5 septembre 2009, un phénomène internet était né ! 253 articles publiés, plus de 700 photos mises en ligne, du Berlin, de la Martinique, des voyages, de la culture, des sujets plus sérieux, du volley, des anecdotes barrées... difficile de cerner ce défouloir sans queue ni tête. En tout cas, merci à vous qui continuez à lire régulièrement, et à laisser des commentaires de temps en temps.

Pour marquer le coup de ces trois ans de blogging, j’ai eu l’idée d’organiser un petit jeu concours assez simple. Il s’agit de répondre aux trois questions suivantes :

mercredi 4 septembre 2013

Un mariage gay à l'église

En célébrant religieusement une union homosexuelle en la paroisse protestante de la petite ville de Seligenstadt près de Francfort-sur-le-Main, l’Église évangélique de Hesse-Nassau, l’une des vingt Églises régionales autonomes regroupées au sein de l’Evangelische Kirche in Deutschland (EKD), a créé la surprise en Allemagne et en Europe le 11 août dernier.

Christoph et Rüdiger Zimmermann: premier couple gay marié à l'église en Allemagne

En effet, le mariage homosexuel n’existe pas en Allemagne, où les seules unions matrimoniales officiellement reconnues sont les mariages civils, réservés aux couples hétérosexuels. Depuis 2001, les couples de même sexe résidant en Allemagne ont la possibilité de faire reconnaître civilement leur union dans le cadre d’une eingetragene Lebenspartnerschaft ou « contrat de communauté de vie », qui leur accorde certains droits, à l’exception notable des avantages fiscaux et de la possibilité d’adopter, deux privilèges réservés aux seuls couples hétérosexuels mariés. Un mariage homosexuel n’est pas à l’ordre du jour et ne figure pas au programme du parti politique de Mme Merkel, archi-favorite en cette année électorale.

vendredi 30 août 2013

Élections au Bundestag : la guerre des “Plakate”

Plusil que trois semaines avant les élections législatives en Allemagne. Le suspense est à son comble. Qui l’emportera: Angie ou bien Frau Merkel? Ou alors peut-être tout simplement Angela Merkel? La CDU recueillera-t-elle 41 ou 42% des suffrages? Une petite pointe à 43% est-elle possible? À l’issue du scrutin, aura-t-on une grande coalition avec la SPD, ou alors une Große Koalition? Tous les paris sont ouverts. Les scénarios les plus fous sont envisageables. Les bookmakers sont extatiques. Youpi.

Comme c’est vendredi et qu’il fait beau, je vous fais, amis lecteurs, un petit billet un peu paresseux avec peu de mots et un maximum de photos sur la guerre des Wahlplakate qui fait rage dans les rues de Berlin, ou l’art de parodier les affiches électorales qui prolifèrent sur la voie publique. Il y a plusieurs angles d’approche.

mardi 27 août 2013

L’indigeste yaourt des libéraux et des néo-nazis en campagne

Alors que la campagne électorale la plus ennuyeuse de l’après-guerre, au dire des médias allemands unanimes, bat son plein à coup d’insipides slogans, de promesses creuses et de formules sans audace placardés en 4x3 aux quatre coins du pays, sur des affiches aux motifs aussi lisses que fadasses, alors que même les partis extrémistes, pourtant coutumiers des pires outrances, ont décidé de mettre de l’eau dans leur bière pour ratisser un plus large public, et que les Teutons s’apprêtent donc, faute de mieux, à réélire leur Chancelière préférée sans même interrompre leur sieste estivale, un petit bijou, un gros bide marketing vient de nous être révélé par la «Kreativagentur» Die Wegmeister, une petite agence publicitaire basée à Stuttgart, jusqu’ici complètement inconnue du grand public. (Oui, ceci était une phrase de huit lignes. Tu n’as qu’à bien te tenir, Marcel Proust!)

Connaissez-vous le point commun entre les ultra-libéraux de la FDP, les néo-nazis de la NPD, et une marque de yaourts finlandais ?


Roulement de tambours...

lundi 26 août 2013

Le défi tomates à Friedrichshain

Des Balkontomaten à Friedrichshain, le 2 août 2013
“When life gives you lemons, préconise sans ambages un dicton étatsunien que j’affectionne, make lemonade”.
Bon sang, mais c’est bien sûr ! Il suffisait d’y penser. Ils sont vraiment trop forts ces Ricains. Et puis, quel inimitable sens de la formule. Une phrase brève, incisive même, simple et merveilleusement imagée : j’adore. Cette courte maxime frappée de bon sens révèle d’ailleurs des vertus ma foi typiquement américaines : un brin de pragmatisme 100% anglo-saxon, un soupçon d’opportunisme definitely yankee, un chouïa d’ingéniosité, une touche de volontarisme gringo, et pour finir, une exhortation façon “just do it”... ce n’est pas un hasard si une nation d’un tel calibre en est arrivée à dominer le monde. Pas seulement dominer le monde, d’ailleurs, mais plutôt le conquérir par l’épée, l’arroser de déluges de napalm, noyer des peuples entiers dans un bain de sang pour assouvir son instinct impérialiste, sacrifier la planète entière sur l’autel du dollar, accabler l’humanité de souffrances sous son joug tyrannique, massacrer, torturer, piller, asservir... DEATHHHH TO AMERICAAAA!!!!!!

vendredi 23 août 2013

Beauté de Berlin : Badekultur dans la Hauptstadt (suite)

L’été berlinois n’a pas encore dit son dernier mot. À l’approche du weekend, poursuivons notre petit tour d’horizon des dix spots de baignade où j’aime m’ébrouer et m’esbaudir au frais lorsque le soleil cogne dur sur la capitale teutonne.

 

5. Pour les amateurs de grandes plages de sable fin : le Kleiner Müggelsee


Encore une plage située à Köpenick, le district berlinois qui décroche la palme des nominations dans ce top 10. Mais la grande plage de sable blanc du Kleiner Müggelsee, une petite baie à l’extrémité orientale du Müggelsee, le plus grand lac de la Bundeshauptstadt, méritait bien une mention honorable.

Un air de grandes vacances le 20 juin 2013 au Kleiner Müggelsee

lundi 19 août 2013

Voisinage infernal à Berlin-Mitte

Nous sommes en 2013 après Jésus-Christ ; tout le quartier Berlin Mitte est gentrifié par les requins de l’immobilier. Tout ? Non. Car un Wohnprojekt alternatif peuplé d’irréductibles squatteurs résiste encore et toujours aux promoteurs aux dents longues et à leurs complices de toujours, les politiciens véreux et corrompus qui gouvernent la ville.

vendredi 16 août 2013

Beauté de Berlin: la Badekultur dans la Hauptstadt

« Du kommst aus Frankreich? Et tu viens d’où en France, si ce n’est pas indiscret ?
— Mais justement, c’est une question vachement indiscrète... Enfin bon, dans le fond ça ne me dérange outre mesure pas d’y répondre. Alors voilà : je viens de la Martinique.
La Martinique ? Kézako ?
— La Martinique. C’est une île française dans la Caraïbe. Tu vois un peu ?
Aaaach sooooooo, bien sûr ! La Caraïbe ! C’est l’une de ces anciennes colonies françaises tu veux dire ? Ein Überseedépartement ?
— Genau, mon bon Helmut. Dans le mille.
— Cool! Trop bien. Ça doit être trop beau chez toi. Et la plage, alors, ça te manque pas trop ? »
Baignade berlinoise au Kleiner Müggelsee (district de Köpenick), en juin 2013

jeudi 15 août 2013

La Syrie, autrefois en paix

La Syrie m’habite. La Syrie me hante. Depuis mon trop court voyage dans ce pays peu connu aux portes de l’Europe, je n’en suis pas complètement revenu. La beauté stupéfiante de ses cités millénaires, le doux vacarme de ses souks odorants, l’effroyable tintamarre de ses rues où des automobiles de fabrication chinoise ou iranienne se disputent le pavé, la gentillesse de ses habitants, leurs sourires radieux assenés sans gêne aux visiteurs étrangers presque agressés par tant d’amabilité… 

mardi 30 juillet 2013

Chronique Martiniquaise (8) : Le français ensoleillé de Martinique — Première partie

En Martinique, on parle le créole qui, comme chacun sait, est la langue maternelle d’une bonne partie de la population. Comparé à d’autres langues régionales de France comme le breton ou l’occitan, le kréyòl martiniquais se porte plutôt bien, n’ayant pas encore été expédié au purgatoire des langues moribondes par les coups de boutoir d’une République  vengeresse qui se veut centralisatrice et uniformisante et n’a eu de cesse de terroriser des générations entières d’écoliers afin d’éradiquer définitivement les «patois», dans une absurde bataille contre les cultures régionales.

Mais, bien entendu, les Martiniquais parlent aussi le français, langue de l’éducation, des médias, du commerce et de la République. Comme dans d’autres régions de France et dans les autres territoires de la Francophonie, le français parlé (et écrit) en Martinique compte un certain nombre de savoureux particularismes locaux que les autochtones emploient fréquemment, sans se douter un instant que ces régionalismes sont souvent inconnus au-delà des rivages ensoleillés de leur île. Jusqu’au jour funeste où l’étudiant martiniquais à Paris ou à Bordeaux demande le plus naturellement du monde un «sachet» ou une «timbale» à un commerçant, et ne reçoit pour toute réponse que des yeux de merlan frit (puis une «gentille» remarque sur son accent). Hein? Comment? On cause pas pareil? Eh bien non, pas tout à fait.

jeudi 18 juillet 2013

Un mois à Berlin : juin 2013

Aïe bon Dieu Seigneur la Vierge Marie, juillet est déjà presque terminé et je n’ai toujours pas achevé mon billet sur les temps forts en images de mon mois de juin à Berlin. Alors pressons, zack zack.

3 juin - Au cinéma des Hackesche Höfe, à Mitte, c’est la première en Allemagne du film sénégalais La Pirogue. Le réalisateur, Moussa Touré, est dans la salle et répond aux questions d’un public avide de réponses sur ces jeunes prêts à tout risquer pour s’embarquer dans de frêles embarcations pour assouvir leurs rêves d’Europe. Aidé par son interprète et ami, le réalisateur livre aux spectateurs franco-allemands sa vision d’artiste, d’Africain et de citoyen du monde sur les problèmes soulevés par son film.

mercredi 10 juillet 2013

On a testé : Steglitz vaut bien une messe

Le lieu : Berlin-Steglitz, 52°N, 13°E, 73.000 habitants dont un millier de Porsche.
La date : le soir de la fête de Pâques grecque orthodoxe, le 4 mai.

Ce samedi-là, j’avais naïvement accepté d’accompagner Mr Bonsoir et quelques amies au fin fond de Steglitz, un quartier ouest-berlinois plutôt cossu et complètement excentré de la Hauptstadt, à environ quatre heures et demi de métro de Friedrichshain, un bout du monde où jusqu’ici je ne m’étais jamais aventuré. En vérité je vous le dis, fidèles Lecteurs : depuis les toits de Friedrichshain, on voit la Lune, mais on ne voit pas Steglitz. Je dis ça, je dis rien. Le but avoué de notre expédition était, tenez-vous bien, d’assister à une messe de Pâques grecque orthodoxe. Un samedi soir, à minuit par-dessus le marché, à l’heure où tout Berlinois bien dans ses Birkenstock Converse préfère écumer les bars bruyants des quartiers hype plutôt que de s’infliger le silence des bénitiers en simili-marbre... Qu’étais-je donc allé faire dans cette galère ?

Un pèlerin allume des cierges dans une église grecque orthodoxe. Pas à Steglitz, certes, mais à Jérusalem. Mais bon vous voyez l'idée. De toute façon, depuis Friedrichshain, c'est le même temps de voyage.

vendredi 5 juillet 2013

L’expo World Press Photo 2013 à la Willy-Brandt-Haus

Micah Albert (États-Unis), 1er prix dans la catégorie «Thèmes contemporains / Photos simples»
Dans la décharge géante à ciel ouvert de Dandora, en banlieue de Nairobi, une femme s'accorde une pause dans sa longue journée de collecte de déchets potentiellement réutilisables (et potentiellement dangereux). Selon le commentaire du photographe, elle a avoué aimer feuilleter les livres qui lui tombent sous la main, même des catalogues de machinerie industrielle. La décharge aurait dû fermer en 1990, puis en 2001, mais est toujours en activité. Près de 10.000 Kényans y survivent quotidiennement de la collecte de détritus, mettant leur santé en péril pour gagner une misère.

La semaine dernière, ma prof d’allemand a eu une chouette idée: délocaliser notre cours hebdomadaire de langue teutonne dans le hall lumineux, spacieux et anguleux de la Willy-Brandt-Haus, au lieu de l’habituelle geôle exiguë et dépourvue de fenêtres où, à l’abri des regards indiscrets, elle nous accable en continu de Modalverben, de Dativ-Präpositionen et autres Konjunktiv II in passivem Nebensatz, et fait claquer comme une cravache les trennbare Präfixe («auf! hinzu! nach!») dans l’air confiné du cachot, sur fond de tubes rock de Wir Sind Helden à 88 décibels. Afin de mieux masquer les hurlements d’épouvante et de sanglots de douleur de sa classe terrorisée et meurtrie.

mercredi 3 juillet 2013

Un mois à Berlin : mai 2013

Le nombre riquiqui de commentaires à mon grand article signalant le come-back en fanfare des Chroniques Berliniquaises tend à prouver qu’il est plus facile de maintenir en vie un héros africain nonagénaire à l’article de la mort que de redonner vie à un blog fait de zéros et de uns après seulement 6 mois d’agonie... Mais qu’à cela ne tienne, je ne compte pas me laisser abattre pour si peu. Vos chroniques préférées reprendront d’ici peu la place qui leur revient de droit dans la blogosphère mondiale. N’est-ce pas ? Hein, n’est-ce pas ? Vous allez revenir, hein, dites, chères Vahinés ? Allez quoi siouplééééé. Bref, voici donc, après quelques mois d’absence, le retour de nos rétrospectives « Un mois à Berlin ». Je vous prépare mai et juin 2013 d’un coup, et laisse tomber tout l’automne et l’hiver... tant pis pour cette fois, mais ce n’est que partie remise ! J’espère que les puristes de la photographie parmi vous me pardonneront l’irruption de photos instagrammées dans la rubrique. Toutes vos protestations et vos fatwas contre ces applis pour hipsters sans talent sont les bienvenues.

1er mai - Le festival MyFest est de retour à Kreuzberg, avec la même mission que chaque année : bannir la violence des rues de ce quartier lassé de cette curieuse «tradition» d’émeutes de groupes extrémistes de gauche, qui ont gâché la fête du 1er mai pendant plus de vingt ans. Dans les rues, les mamas turques coiffés de fichus en satin côtoient la jeunesse berlinoise avide de beats et les étudiants Erasmousse en quête de frisson teuton, l’électro en plein air joue des coudes avec le reggae... On a beau dire que le Multikulti est mort, il suffit de passer quelques heures dans les rues voisines de Kottbusser Tor un premier mai pour se convaincre du contraire.

samedi 29 juin 2013

Petites phrases mythiques en politique allemande (2)

Chers amis lecteurs, chères Vahinés orphelines de vos chroniques autrefois préférées, contrairement aux apparences, contrairement à Nelson Mandela, ce blog n’est pas encore mouru. Ah, on me souffle dans l’oreillette que Mandela non plus n’a pas encore cassé sa pipe. Vous en êtes sûr cher Monsieur? Pourtant j’aurais juré que... Bon, si vous le dites. Bref. Pour fêter le retour des Chroniques Berliniquaises en fanfare dans la blogosphère mondiale, et pour faire écho à la remise du grand prix de l’humour politique décerné cette semaine à Gérard Longuet, voici la suite de ma sélection de petites phrases mythiques de la politique allemande, que je vous avais promise en novembre dernier, il y a seulement sept (!) mois. Car, comme dit le proverbe de chez moi : Two présé pa ka fè jou ouvè. Mais trêve de bavardages. Voici sans plus tarder la suite du palmarès.
 
3. Les nominés dans la catégorie «Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent»

Ach, l’Allemagne, paradis de l’intégrité dans la fonction publique, parangon de vertu et de bonne gouvernance où les ministres démissionnent comme un seul homme  en moins de temps qu’il ne faut pour dire «plagiat», où les présidents en exercice sont impitoyablement démis de leurs fonctions juste parce qu’ils ont oublié de signaler aux juges qu’ils ont des amis riches... Droiture, honnêteté et vérité sont les trois mamelles de la nation teutonne, nous jurent, la main sur le cœur, les hommes politiques. Oui, trois mamelles, et alors? La preuve par quatre.

„Putin ist ein lupenreiner Demokrat.“  

 

« Poutine est un impeccable démocrate. »

Gerhard et Vladimir, les «impeccables cyniques»
selon le magazine Focus, en mars 2012
La vie est cruelle. En réalité, le 23 novembre 2004, en direct sur la chaîne ARD, le chancelier Gerhard Schröder, dont les malicieuses saillies ont déjà alimenté le premier volet de cette petite compilation maison, n’a pas réellement prononcé ces mots qui lui sont attribués, cette formule désormais gravée ad vitam aeternam dans le marbre de la psyché teutonne. Ses mots à lui sont en réalité : «Je le crois, et je suis convaincu qu’il l’est», en réponse au présentateur télé Reinhold Beckmann qui lui demandait s’il considérait Vladimir Poutine comme un lupenreiner Demokrat (un «impeccable démocrate»).

Après ce rare éclair de sincérité en prime-time, l’habile politicien a bien sûr tenté de nuancer son propos et de noyer le poisson pendant encore une bonne minute de considérations alambiquées sur les progrès considérables de la démocratie en Russie après des décennies de dictature communiste. Mais le mal était déjà fait : ce qui avait été dit ne pouvait plus être dédit, et l’ancien chancelier D’ailleurs, les excellentes relations personnelles que Schröder et Poutine ont continué à entretenir jusqu’à présent, bien trop cordiales et vénales aux yeux de la majorité des commentateurs politiques allemands, ne sont pas de nature à faire oublier cette citation de l’ancien chancelier. D’ailleurs, à l’issue de l’élection présidentielle russe de mars 2012 qui vit le retour de Poutine à la tête de l’État dans des circonstances controversées, Schröder était le premier à manifester son soutien à son ami Vladimir Vladimirovitch, et n’a eu de cesse de répéter à qui voulait l’entendre, contre les vents du scepticisme et les marées de ricaneries que oui, Poutine était bel et bien un vrai démocrate. Sacré Gégé, on ne l’en fera pas démordre.

lundi 15 avril 2013

Avril : «Weex ak Ñuul» (*)

15 avril, midi pile à Pontault-Combault, c’est déjà l'heure de la Photo du Mois. Le thème d'avril a été choisi par E. du blog Histoires Deux..., éminent membre de la communauté et fidèle lectrice des Chroniques Berliniquaises. Par conséquent, je ne pouvais pas me permettre de snober son sujet !

Et E. nous a bien gâtés, avec son thème : «Du blanc et du noir, mais pas de noir et blanc». Le sujet m'a donné plus de fil à retordre que je l'avais imaginé.

vendredi 12 avril 2013

Dakar : du sable et des couleurs (et d’autres trucs aussi)

Amis Lecteurs, chères Vahinés, on vous ment, on vous trompe, on vous roule dans la farine. En ces temps où les révélations fracassantes et les désillusions profondes se succèdent, même votre blogueur préféré doit vous avouer qu'il vous a lui aussi caché la vérité. Le salaud, l'ordure.

L'heure est donc venue de faire tomber les masques : depuis octobre dernier, je tiens, en cachette de vous, furtivement, dupliciteusement, cahuzaquement, un deuxième blog. À la fin de l'été dernier, l'idée m'est venue de participer à la deuxième édition du concours Mondoblog, une plateforme de blogs francophones du monde entier, en forme de compétition, organisée et encadrée par Radio France Internationale, imitant ainsi Manon de Génération Berlin. Après quelques hésitations, j'ai donc ouvert et commencé à écrire un deuxième blog, que j'ai nommé, foudroyé par un rare éclair d'inspiration, « Ich bin ein Berlinoir » (ha, ha, ha). D'ailleurs, c'est un peu exagéré de dire que « j'écris » un deuxième blog, puisque jusqu'ici j'ai un peu triché (furtivement, dupliciteusement, etc., etc.) et me suis contenté de recycler paresseusement des billets déjà publiés dans les Chroniques Berliniquaises. Cela explique d'ailleurs pourquoi je n'ai même pas jugé nécessaire de vous parler de mon blog clandestin, que visitent jusqu'ici principalement les autres blogueurs du réseau Mondoblog.

samedi 16 mars 2013

Cassez ce Mur que je ne saurais voir

13 juillet 2008 : lors d’un Bürgerentscheid (une sorte de référendum local) organisé après des années de polémique, les habitants du district berlinois de Friedrichshain-Kreuzberg rejetaient à 87% le projet «Mediaspree», un programme ambitieux, voire limite mégalomaniaque, de privatisation à tout crin des rives de la Spree et de bétonnage débridé des nombreuses friches urbaines qui avaient vu fleurir, après la chute du Mur de Berlin, toute une scène culturelle et festive «alternative» au fil de l’eau. L’enfilade de boîtes de nuit, de Strandbars («bars-plages»), de parcs, de promenades et de terrains vagues en bordure de rivière, le long du tracé du Mur, était devenue un élément important du cadre de vie des riverains et des Berlinois dans leur ensemble, et attirait chaque année un nombre croissant de touristes européens. Ainsi, par le vote de l’été 2008, la population locale avait clairement signifié son opposition catégorique à la poursuite de la construction de bureaux, d’hôtels, de centres commerciaux et d’appartements haut de gamme sur les quais de la Spree à Friedrichshain et à Kreuzberg.

1er mars 2013 : près de cinq ans après le vote populaire, les autorités de la capitale allemande, qui depuis la réunification n’ont de cesse de transformer Berlin, au grand dam de ses habitants, en une sorte de Dubaï clinquant et sans âme, n’ont tenu aucun compte de l’avis de la population exprimé sans ambiguïté en 2008. Après tout, les terrains avaient déjà été vendus dès les années 90, se défend la municipalité. Ainsi, malgré quelques empêcheurs de tourner en rond, le projet Mediaspree a pu continuer à se concrétiser sans encombre majeure, davantage contrarié par les lointains remous de la crise financière que par l’opposition massive de la population. Les Berlinois, impuissants, ont vu disparaître quelques uns des espaces de liberté et de création les plus emblématiques du secteur : le Bar 25, la plage du Kiki Blofeld ou le club Maria am Ostbahnhof pour ne citer qu’eux, tandis que le Yaam, sauvé de justesse, demeure sur le fil du rasoir. Mais en ce 1er mars, le coup de pioche de trop a été donné : les promoteurs immobiliers ont entrepris, avec la bénédiction des instances dirigeantes, de démolir une portion de l’East Side Gallery afin de débuter les travaux de construction d’un pont piétonnier mais surtout, et c’est là le principal point d’achoppement, d’un immeuble résidentiel de grand standing, une tour de 15 étages où des appartements somptueux seront proposés à la vente pour des prix atteignant jusqu’à 7800 euros le mètre carré ! Ce n’est jamais que trois fois le prix du marché actuel, dans un arrondissement où le revenu net médian des ménages s’élève à 1400 euros par mois.

Bientôt à la place du Mur : le Burj al-Berlin, nouveau soleil dans la capitale.
(Capture d'écran du site de Living Levels)

vendredi 15 mars 2013

Mars : «Le savoir est une arme»

15 mars, midi pile à Neauphle-le-Château, c’est le grand retour de La Photo du Mois ! Je me suis laissé recruter par Dr. CaSo pour participer en ce mois d’hiver tardif, puisque c’est à elle que revenait le privilège de choisir le thème de mars. Et que ne refuse-t-on pas à la grande, l’illustre Dr. CaSo, n’est-ce pas ? En bon professeur universitaire, incorrigible intello, elle n’a pas pu s’empêcher de poser une colle à la communauté de blogueurs : «Savoir». J’ai bien vite regretté de m’être laissé embarquer dans cette galère, ayant toutes les peines du monde à trouver l’inspiration pour ce qui me paraît bien plus être un sujet à traiter par une volumineuse dissertation que par une simple photo.

lundi 11 février 2013

Famille traditionnelle antillaise ou «mariage pour tous»?

Depuis quelques jours, le débat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, un débat que les Antillais suivaient jusqu’ici de loin, avec peut-être un brin d’incrédulité et de dégoût, a pris en Martinique une dimension toute particulière. En effet, le 30 janvier, le député divers-gauche de la deuxième circonscription de la Martinique et maire de la commune de Sainte-Marie (19.000 habitants) a pris la parole à l’Assemblée Nationale et a proclamé haut et fort son rejet ferme de ce projet de mariage homosexuel et son intention de voter contre, bien qu’il ait jusqu’ici, souligne-t-il, «soutenu tous les projets et engagements de la Gauche». Le discours, visionné des centaines de milliers de fois sur Internet, et amplement relayé sur la plupart des médias opposés au «mariage pour tous», a fait date dans ce débat, résonnant bien au-delà des rivages ensoleillés baignés d’eau turquoise où tout ce qui a trait aux Antilles reste habituellement confiné, dans l’indifférence générale des médias et de nos compatriotes hexagonaux. Du moins est-ce le sentiment qui prévaut en Martinique et en Guadeloupe.

Le député Bruno Nestor Azérot le 30 janvier à l'Assemblée
Mais cette fois, c’est différent. Un tribun antillais a pris la parole et, ô surprise, toute la France a écouté. Dans une harangue combative, le député-maire Bruno Nestor Azérot a martelé que la quasi-totalité de la population d’Outre-Mer est «opposée à ce projet», et que «les valeurs sur lesquelles reposent les sociétés ultramarines», nos «valeurs fondamentales», étaient menacées par l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. «Ce texte ne donne pas une liberté supplémentaire, il fragilise le délicat édifice sur lequel se sont construites nos sociétés antillaises et guyanaise après l’abolition de l’esclavage», a-t-il ajouté, avant d’interpeller l’Hémicycle sur une question plus grave, plus existentielle, presque apocalyptique : «la famille, pivot de notre société [...], va-t-elle exploser au sens littéral du terme ?»

mercredi 6 février 2013

Banalité de l’absurde à Hébron

Imaginez qu’un beau jour, un investisseur fortuné se présente tout sourire au seuil de votre maison et, se dispensant des politesses d’usage, vous propose, sans passer par quatre chemins, de racheter votre logis. Son prix ? Allez, soyons généreux d’emblée, afin d’expédier l’affaire : un million de dollars pour le terrain et le bâti, cela vous conviendrait-il, cher Monsieur ? À la louche, ça fait une bonne dizaine de fois la valeur totale de votre propriété sur le marché. Affaire entendue ?

Vous déclinez l’offre, poliment mais fermement, et éconduisez l’importun.

Un Palestinien prend congé de ses visiteurs devant la porte de sa maison sur la rue Shuhada, à Hébron

Désarçonné par ce refus inattendu, l’investisseur vous quitte l’air marri, mais qu’à cela ne tienne, il ne tarde pas à revenir à la charge, quelques temps après, avec des arguments bien plus convaincants : saisissez cette chance de faire une très bonne affaire, cher ami. Est-ce que dix millions sauront vous faire changer d’avis, peut-être ?

Nan.

Allons, allons, vous êtes un dur à cuire, c’est ça ? Soit. Mais le richissime investisseur est déterminé. C’est un homme d’affaires aguerri après tout : il est venu à bout d’adversaires bien plus coriaces qu’un plouc comme vous avec votre bicoque insignifiante dans un trou paumé. Vingt millions ? Ce n’est jamais que deux-cent fois le prix normal de votre baraque, souligne-t-il avec le ton professionnellement enjoué et passablement condescendant d’un vendeur d’aspirateurs. À prendre ou à laisser, mon brave. Ne soyez donc pas têtu comme une bourrique.

Hors de question.

vendredi 25 janvier 2013

La blanche Jérusalem

Hé ! Pssst. Vous êtes au courant de la l’incroyable nouvelle ? Il a neigé à Paris ! Complètement dingue ça non ? De la neige à Paris quoi ! De surcroît, en plein mois de janvier ! Le truc de foooouuuuu. J’ai loupé le phénomène météorologique de l’année, mais heureusement, grâce à Facebook et aux médias théoriquement «français» mais en réalité «intra-murossiens» avant tout, je n’en ai pas loupé le moindre floconnet, et ai pu m’extasier comme chacun devant une douzaine de photos du Canal St-Martin sous la neige, dix-sept angles de vue différents de la Place de la Concorde sous un manteau blanc, et environ vingt-trois clichés époustouflants du Sacré-Cœur de Montmartre se détachant à peine dans le blizzard. 

Allez, j’admets que je persifle un peu pour le plaisir de râler. Paris est sublime sous la neige, et c'est vrai qu’on ne se lasse pas d'admirer notre belle capitale délicatement nappée de blanc virginal. Merveille d’entre les merveilles, même les cohortes homophobes, omniprésentes ces derniers temps, subitement, ont disparu, se sont tues, comme emportées par une avalanche de candeur et de bons sentiments. Bonheur. Cela ne durera qu'un temps, mais quand même, savourons. 

Mais il fallait tout de même que je réagisse à cette débauche de photos enneigées sur les réseaux sociaux. Voici donc la réponse du Berliniquais à la bergère : quelques photos de la grande tempête de neige de janvier 2013 à Jérusalem, la plus spectaculaire qu’ait connu la ville depuis vingt ans. Et toc.

Le Dôme du Rocher, le Mont des Oliviers et les toits de Jérusalem enneigés
Si trois flocons à Paris constituent un événement sensationnel, que dire du sentiment qui prédomine lorsque 15 centimètres de neige tombent sur une ville située à la même latitude qu’Agadir ou que San Diego?

dimanche 20 janvier 2013

Maïeutique entre hommes à Jéricho

« Hé là, vous! Pas si vite. Z’avez payé votre billet d’entrée? 10 shekels, s’il vous plaît. »

Tiens donc. Et d’où il sort, celui-là? Je n’avais pas remarqué qu’il fallait s’acquitter d’un droit d’entrée. La petite porte sans prétention du site archéologique de Tell Es-Sultan était grande ouverte, le guichet riquiqui sur la droite semblait abandonné depuis des années, et il n’y avait pas un chat à l’horizon. Il n’en fallait pas plus pour que d’un pas assuré, happé par la curiosité, j’entrasse. Le plus naturellement du monde. Et puis surtout, je venais tout de passer une bonne demie-heure à admirer gratuitement ce même site historique, les restes de l’antique Jéricho, depuis un point d’observation privilégié, juste en face : une terrasse à moitié effondrée offrant, à quiconque ose s’y aventurer, une vue imprenable sur les ruines antédiluviennes. Lesdits vestiges, d’ailleurs, ne sont à vrai dire que d’informes monticules de terre et de gravats. Il faut un sacré effort d’imagination et d’abstraction pour se représenter, à partir de ce pitoyable terrain vague, de ces mornes vallons érodés de terre meuble aux contours indistincts, la fière Jéricho des batailles bibliques, la légendaire forteresse cananéenne des temps jadis, et ses hautes et orgueilleuses murailles se lézardant, se disloquant et s’écroulant, au terme d’un siège épique, au son martial des trompettes de Josué et de cris sauvages et virils de “This is Spartaaaaa!”. Non, décidément, les fameux vestiges de la très pompeusement auto-proclamée « plus ancienne ville du monde au point le plus bas de la Terre » n’ont rien de spectaculaire, et ne valent même pas les deux euros demandés si péremptoirement pour avoir le privilège de les admirer de plus près et de se crotter les souliers dans la boue au passage.

Le site archéologique de Tell es-Sultan, emplacement sur lequel,
il y a vachement longtemps, se dressait, paraît-il, la ville de Jéricho.

mercredi 16 janvier 2013

Promenade à Méa Shéarim

À Jérusalem, si l’envie vous prend de vous aventurer hors des murs de la Vieille Ville et que, laissant derrière vous les hautes pierres ocres de l’imposante Porte de Damas érigée sur ordre du sultan Soliman le Magnifique, vous traversez le paisible quartier résidentiel de la Morasha, alors vous avez de fortes chances, au bout de dix ou quinze minutes de détours sur les tranquilles avenues proprettes et de flânerie le nez en l`air, de voir votre insouciante déambulation barrée tout net par une série de panneaux bilingues anglais-hébreu vous souhaitant la bienvenue en des termes franchement inhabituels.

«Les GROUPES qui traversent notre quartier offensent profondément les riverains. RENONCEZ-Y», exhorte-t-on noir sur blanc et en caractères gras le visiteur frivole et indélicat que vous êtes sans l’ombre d’un doute, gros lourdauds. La gent féminine, bien entendu, fait l’objet d’une attention toute particulière : «MESDAMES, MESDEMOISELLES, qui traversez notre quartier, nous vous supplions de tout notre cœur : merci d’éviter les TENUES INDÉCENTES. Exemples de tenues décentes : corsages fermés à manches longues, jupes longues, pas de pantalon, pas de vêtements moulants. Merci de ne pas compromettre la sainteté de notre quartier et de notre communautés de Juifs consacrés à D-EU et à sa Torah». Bref, vous êtes prévenus qu’au-delà de ce panneau, on n’aime pas les «biatches», pour parler comme Lil Wayne, et on le dit haut et fort.

Bienvenue chez les Harédis!
D’ailleurs, de vous à moi, il semblerait qu’on n’aime pas grand monde dans le quartier. Ce chaleureux message de bienvenue vous est adressé par la communauté de Méa Shéarim, le quartier des Haredim. C’est ainsi que l’on nomme l’ensemble assez flou de mouvances ultra-orthodoxes et ultra-conservatrices de la religion juive.

dimanche 6 janvier 2013

On a testé : Ben Gurion International

«Welcome to Israel!», proclame chaleureusement (“shalomeusement”, si vous me passez le jeu de mots) le grand panneau aux couleurs vives à l’attention des passagers tout juste sortis de la passerelle de débarquement.

«Ben Gurion Airport: Pride of Israel», renchérit solennellement un sobre mais imposant bas-relief couleur ocre, après une interminable enfilade de couloirs et de halls ultra-modernes, aérés, lumineux.

«Toi, tu vas grave morfler avec la sécurité de l’aéroport de Tel Aviv. Prépare-toi à subir le pire interrogatoire de ta vie.» Cette troisième proclamation, en revanche, vous ne risquez pas de la trouver fièrement placardée sur quelque mur ou façade de l’aéroport international de Tel Aviv. Ces mots, ce sont tout simplement les menaces persistantes, les inévitables avertissements, les inquiétantes vaticinations, que j’ai entendus moult fois de la bouche de maints augures, et qui bourdonnent confusément entre mes oreilles, dans quelque cavité fascinée et apeurée de mon cortex, alors que le tapis roulant m’achemine paisiblement vers Dieu sait quel agent du Mossad tapi dans un bureau poussiéreux du service de l’immigration, craquant bruyamment ses doigts avec une délectation sadique à l’idée de m’envoyer au tapis au onzième round de questions-réponses, et de jeter mon passeport au broyeur à papiers.

Comme le dit l’adage bien connu, un homme averti 36 fois en vaut 72.

Bienvenue à l'aéroport international Ben Gourion de Tel Aviv

D’ailleurs, à peine ai-je laissé derrière moi le panneau «Bienvenue en Israël» qu’un avant-goût de cet accueil musclé se présente, sous les traits d’une jeune femme blonde au visage sévère, si menue au milieu d’un quatuor d’observateurs en uniforme scrutant attentivement les débarqués de frais en Terre Promise, que je ne l’aurais probablement pas remarquée si elle n’était pas venue, d’un pas agile quoique déterminé, se planter devant moi avec autorité, barrant ma progression au sein du peloton des arrivés, et ne m’avait pas intimé, sur un ton martial, toute une série d’ordres ne souffrant nulle contestation. «Halte. Votre passeport s’il vous plaît. Ouvrez votre sac et déshabillez-vous. Intégralement. Il n’y a pas de mais».
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