mercredi 30 novembre 2011

Américanisation : Thanksgiving m’a tuer

C’est promis, ceci est le dernier volet de cette série automnale impromptue sur mes récents déboires alimentaires, du moins pour l’instant. Après, après j’arrête et je passe à autre chose, juré, craché, croix de bois, croix de fer (oh laffreux nazi !)...

Mais laissons là ce vain bavardage et entrons sans plus attendre dans le vif du sujet, si vous le voulez bien.

Cela me pendait au nez depuis bien longtemps déjà. Après toutes ces années de cette vie d’Érasmus attardé, je ne pouvais que m’attendre à recevoir tôt ou tard une invitation à fêter un Thanksgiving à l’américaine ; ce n’était plus qu’une question de temps. Et cette année, comme pour rattraper le temps perdu, ce n’est pas une, mais deux soirées de l’Action de Grâce qui ont été organisées dans mon entourage, et auxquelles j’ai été gentiment convié par les plus canado-américanophiles de mes amis. J’ai prudemment choisi de décliner la deuxième invitation reçue au lieu de tenter d’honorer les deux et de faire plaisir à tout le monde comme j’ai tendance à faire habituellement. Avec le recul, ce fut une décision extrêmement judicieuse, car un seul repas de Thanksgiving par an suffit amplement à tout individu normal. Un mois avant les fêtes de fin d’année, je m’acheminais, sans le savoir, vers une soirée de blindage de bide infernal, comme je n’en avais jamais connu auparavant.

En fait, c’est quoi Thanksgiving, au juste ? Pour moi, cette fête a toujours rimé avec ces épisodes de séries télé américaines au scénario cousu de fil blanc : la maîtresse de maison, mère dévouée et épouse parfaite, enfilait comme il se doit son plus beau tailleur beige, se parait de son collier de perles favori et des boucles doreilles assorties, se laquait la chevelure en un brushing de dimensions colossales et, un infatigable sourire sur son visage impeccablement maquillé, passait aux fourneaux une journée entière de dur labeur qui, après moult péripéties ébouriffantes, se terminait invariablement dans une ambiance gnan-gnan autour d’une dinde farcie encore plus volumineuse que la coiffure en béton de maman. Un peu comme ça :

"Mon Dieu, faites que Maman change de coiffeur, s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît"

Dans la vraie vie, ce n’est pas tellement différent, en fait. Bien sûr, comme pour toute tradition séculaire, les origines de cette célébration sont obscures et s’expliquent de diverses manières : expression de la gratitude des colons après de longues et périlleuses traversées maritimes, fête des récoltes, gage de leur survie aux hivers rigoureux du Nouveau-Monde, célébration de la bonne entente des Européens avec les Indiens et du rapide anéantissement de ces derniers, les racines de cette tradition sont multiples. Il y a le Thanksgiving purement canadien, qui en VF (ou plutôt en VQ) s’appelle «jour de l’Action de grâce», et le vrai Thanksgiving, l’américain évidemment, celui de la télé. Que c’est compliqué, tout ça ! Le plus simple est de retenir qu’en gros, l’intérêt de la fête est de se retrouver en famille ou entre amis pour une curieuse cérémonie d’adoration rituelle d’une grosse volaille rôtie au four avant de s’empiffrer à en perdre connaissance. Ils sont fous ces Ricains.

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Revenons à notre petit Dankgebung berlinois, après toutes ces digressions. Forcément, une soirée aussi mémorâââble se prépare fort longtemps à l’avance : vous recevez votre invitation trois bonnes semaines avant le jour J (prévoir un dîner trois semaines à l’avance chez les gros cools de Berlin, c’est dans le même ordre de prévoyance que 7 mois d’anticipation à Paris, grosso modo) et êtes prié de donner votre réponse au moins une semaine avant la date prévue. Dans les jours qui précèdent le grand moment, la tension monte : vous recevez des e-mails de plus en plus directifs de la part de vos hôtes manifestement stressés. On vous précise votre contribution exacte pour que le dîner soit «parfait» : trois bouteilles de vin rouge pour untel, 2 kg de patates douces et 1 kg de citrouille pour tel autre, etc. Et ne vous avisez surtout pas à faire le malin, hein. Rien n’est laissé au hasard. L’attitude relax et à la bonne franquette des soirées berlinoises auxquelles vous êtes habitués, vous pouvez oublier. Au moment où vous vous rendez compte du traquenard dans lequel vous vous êtes fourrés, il est trop tard pour décommander. Vous êtes donc attendu de pied ferme le samedi soir à 18 heures.

Il est vrai que Thanksgiving tombe habituellement un lundi d’octobre au Canada, et un jeudi de novembre aux States. Mais à Berlin, pour des raisons pratiques, on fête Dankgebung le samedi, parce que le jeudi, on bosse et par conséquent on n’a pas le temps de se permanenter la chevelure, de se glisser dans un tailleur beige et de passer la journée aux cuisines.

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Purée de patates douces au beurre 
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Habillage

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Laura n'a pas ménagé sa peine

À 18 h 28 tapantes, je franchis le seuil de l’appartement de Daniel (*) mon collègue canadien, et commence illico à débiter un flot d’excuses pour justifier mon retard et implorer sa clémence. Mais ce n’est pas du tout nécessaire : l’ambiance est électrique. Dans le rôle de la housewife modèle, Laura (*) la Germano-américaine, et Britta (*), son assistante dévouée et quelque peu terrorisée, sont bien trop occupées à se dépêtrer avec les quatorze plats à divers stades de préparation pour remarquer mon petit écart aux règles d’or de la ponctualité allemande. L’entreprise est tellement gigantesque que la cuisine de Daniel ne suffit pas du tout : il nous faut un deuxième four. Du coup, nous avons également annexé la cuisine de Basil (*), notre collègue russe qui habite l’immeuble d’en face et a gentiment accepté de prêter son appart’ pour l’occasion, alors qu’il n’est même pas à Berlin du weekend. Cette situation cocasse m’inspire immédiatement une blagounette que je ne peux m’empêcher de partager avec la communauté : «C’est marrant, à chaque fois que les Allemands manquent d’espace vital, il faut toujours qu’ils annexent des territoires russes». Daniel et Laura, magnanimes, me font une grimace condescendante, les autres préfèrent jouer à ceux qui n’ont rien entendu. Un flop aussi splendide, ça s’arrose : je m’offre une rasade de chablis pour me donner du cœur à l’ouvrage.

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Et ce n’est pas le boulot qui manque. Certes, la dinde, que nous avons affectueusement baptisée «Charlie», est déjà en train de dorer au four et les desserts sont déjà prêts depuis la veille, mais nous sommes loin d’en avoir terminé. Il nous faut encore préparer le gratin de «macaroni and cheese», la purée de patates douces, les rutabagas, les sauces, le corn bread, la douzaine d’accompagnements. Laura jongle avec ses multiples recettes de chez Cook.com, trois minuteurs, de mystérieux ustensiles chromés, et distribue des instructions à sa petite troupe d’assistants maladroits mais pleins de bonne volonté. On multiplie les allers-retours diligents entre la cuisine de Basil et celle de Daniel, des plats fumants dans les mains. Malgré la pression, l’ambiance reste excellente. Le vin blanc a peut-être un peu aidé. Peu de temps avant la touche finale, un trio de retardataires canadiens arrive enfin, pouffant de rire, un tourbillon de fraîcheur dans cet univers de labeur. L’un d’entre eux est vêtu de jaune de la tête aux pieds. «Aaah, je comprends mieux pourquoi on grille des pépins de citrouille depuis tout à l’heure : c’est pour nourrir le canari», chuchoté-je, moqueur, à l’oreille de Nikolaus (*), le mari de Laura. Deuxième bide de la soirée. Allez hop, un autre verre de vinasse pour faire passer la pilule !

Charlie juste avant la découpe
La table est dressée, une fois, une deuxième, et allez, une troisième fois tiens, jusqu’à ce que l’alignement soit parfait. Enfin, il est temps de s’attabler. Sans nous en apercevoir, nous commettons un péché capital : au lieu de nous recueillir tous ensemble devant la silhouette monumentale de la dinde au centre la table en disant God Bless America, nous découpons Charlie sans cérémonie dans la cuisine et la servons, en lambeaux, dans un grand plat, pour faciliter le service. Erreur fatale : le Dieu de la Dinde de Thanksgiving nous fera payer ce manque d’observation des rites canoniques. Les ennuis commencent immédiatement. Laura, après avoir passé environ six heures à cuisiner et à se démener pour LE soir, se sent soudain très mal avant même d’avoir commencé à dîner. Rien de gravissime ni de complètement inhabituel : il lui arrive de souffrir de migraines qui la poussent au bord de l’évanouissement. Elle passera toute la soirée allongée dans la chambre d’amis et ne mangera quasiment rien du festin qu’elle a organisé. Aïe.


Au salon, les plats font maintes fois le tour de la table : purée de patates douces, «squash» (une variété de courges), rutabagas, «Serviettenknödel» pour la touche germanique, cranberry sauce, corn bread (un pain de maïs maison) et de prodigieuses quantités de dinde, bien sûr. Après tout, Charlie pesait 7 kg tout de même... C’est délicieux, mais finalement assez lourd, et les mélanges de saveurs, franchement inhabituels.

Peu à peu, certains convives commencent à se sentir mal. Difficile de dire ce qui nous arrive ainsi, mais à l’exception des Canadiens, nous sommes tous en proie à une indigestion fulgurante et carabinée. La dévouée Britta et un autre invité allemand ne parviennent même pas à garder leur repas dans l’estomac. Pendant le dîner, on les voit se lever à tour de rôle, partir aux toilettes, squattent la salle de bain pendant un long moment, et ils ne reviennent plus. Le dessert (apple pie et pecan pie) finit par être servi à un comité fortement réduit de survivants. Je n’ai plus faim, mais ces tartes ont l’air tellement appétissant, ce serait un crime de ne pas y toucher, me dis-je... J’avale une bouchée de pecan pie, et tout à coup, c’est la fin : pris d’une forte nausée, je quitte aussitôt ma place pour m’écrouler sur le canapé. Pour moi aussi, c’est game over. Je passerai le reste du dîner dans un état de torpeur semi-consciente, réveillé par des gargouillis de mauvais augure dans mon estomac et des nausées vertigineuses. À la fin de la ripaille, seuls les Canadiens se portent bien, ils se régalent des desserts. «Il y a même des muffins au chocolat tiens. Tu en veux, Canari ? Oh oui, avec plaisir, Colibri. Oh c’est vraiment délicieux ce dessert !» Tous les autres sont KO. Thanksgiving, c’est trop sympa dites donc, pourvu que l’on soit doté de l’appareil digestif adéquat.

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Vers 23 h 30, je me rends enfin à l’évidence : je ne serai pas du tout en état de sortir faire la fête à l’issue de ce fabuleux banquet. En deux SMS laconiques, je capitule et préviens les amis que j’avais prévu de retrouver au bar après le repas. Le dîner se termine vraiment en eau de boudin.

À minuit, les «Européens» (et assimilés) du lot, déconfits et penauds, prennent congé de Daniel, le pas lourd, une main sur le ventre et l’autre devant la bouche, tandis que le Canari et les autres invités canadiens, repus, heureux, en pleine forme, le plumage brillant, piaillent de satisfaction et prennent leur envol dans la nuit berlinoise pour une mémorable tournée des boîtes de nuit, sans doute. Je m’affale dans un taxi à destination de Friedrichshain avec Britta ma voisine de Kiez, et, arrivé enfin à destination, m’écroule au lit pour une nuit nauséeuse et particulièrement difficile. Contrairement à l’infortunée Britta et à cet autre Allemand dont le nom me passe, j’ai réussi à digérer le repas sans reflux majeur, mais j’ai eu l’estomac barbouillé et des hauts-le-cœur récurrents pendant deux jours, jusqu’à lundi soir.

Que de souvenirs impérissables pour mon premier Thanksgiving ! Je retiendrai tout de même que les mets étaient délicieux, et que Laura et Britta se sont donné beaucoup de mal pour nous faire plaisir. La prochaine fois peut-être ? On verra bien... Britta a déjà annoncé qu’elle ne se sent pas prête à remettre le couvert pour l’an prochain. Laura n’est pas emballée non plus. Quant à mon estomac, il est encore aux abonnés absents.

Verdict : Thanksgiving, on a testé et... on a raté le test, mais alors complètement !

(*) Les prénoms ont été modifiés

Les dernières minutes de bonheur et d'insouciance avant que tout parte en live

dimanche 27 novembre 2011

T’as de beaux œufs tu sais ?

Vous en aviez rêvé (ou pas), les Allemands l’ont fait. Avec leur manie de tout prendre au pied de la lettre, il fallait bien que cela arrive un jour. C’est donc chose faite : désormais, quand vous choisissez des œufs bios dits «verts» au supermarché bio du coin, pour la modique somme de 1,99€ la boîte de quatre, vous achetez réellement des œufs... bah verts, tiens. Je suis peut-être naïf mais je ne connaissais pas cette nouveauté.

Grüne EierOeufs verts


Passé un premier moment d’incrédulité, pendant lequel je me suis demandé si mon épicerie habituelle ne célébrait pas Pâques un peu avant l’heure, la curiosité a été la plus forte. Ne voulant pas mourir idiot, j’ai bien évidemment décidé de tester ces produits révolutionnaires certifiés aus ökologischem Landbau («issus de l’agriculture biologique») et pondus, dixit l’emballage, par quelque race de poule méridionale exotique. Je me suis donc délesté de deux euros, soit encore 13,12 francs français, ou plus exactement 1.311,91 anciens francs, pour quatre œufs verts en boîte. À ce prix-là, ils ont été sûrement pondus par la demi-sœur par alliance de la Poule aux œufs d’or herself, pensai-je alors, considérablement appauvri en capital, certes, mais satisfait de mon acquisition de prestige.

Pendant les jours qui ont suivi, j’étais en proie à un grand trouble, ne sachant que faire de ces quatre ellipsoïdes à la couleur de jade qui me dévisageaient avec le dédain qui sied à la noblesse et à leur rang à chaque fois que j’ouvrais mon frigo : allais-je vraiment me risquer à les consommer ? Ne serait-il pas plus sage de m’en servir comme projectiles lors de la prochaine manif’ contre les abus des banques par exemple ? Mais tout de même, à 327,98 anciens francs le missile, il faudrait que je bombarde le président de Goldman Sachs en personne, et sans me louper hein... J’ai abandonné l’idée, et me suis renseigné fébrilement sur le Net : non, les œufs verts ne viennent pas de la région de Tchernobyl, non il n’y a pas de nouvelle épidémie d’œufs contaminés à la dioxine comme en début d’année. En fait, les œufs verts semblent avoir été pondus le plus naturellement du monde par une race de poule toute bête mais peu connue, l’«Araucana» chilienne, qui a donc cette particularité de laisser échapper de son derrière des œufs verts ou bleus. Rassuré, je suis donc passé à l’action, un samedi matin, pour mon brunch maison du weekend.

La fameuse recette des œufs verts au plat à la mode berliniquaise

Vous l’attendiez tous, la voilà enfin. Ingrédients pour une personne :

- un oignon bio frais ;
- un petit poivron jaune bio frais ;
- une tomate bio bien rouge ;
- trois ou quatre abricots secs bios ;
- trois à cinq champignons de Paris bios, selon la taille ;
- deux tranches de bacon, bio évidemment ;
- quelques cl d’huile d’olive bio ;
- du poivre et du sel d’Ibiza (¡Atención! si vous achetez votre sel directement à Ibiza, assurez-vous que c’est bien du sel. Un indice : le sel ne se vend pas en boîte de nuit en règle générale) ;
- de la coriandre, du piment de Cayenne moulu ;
- des herbes et épices fraîches récoltées avec soin sur votre balcon : thym, romarin, basilic, ciboulette, selon saison, sinon, les condiments séchés feront l’affaire.

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Et bien entendu, deux ou trois œufs verts !


Il vous faut deux poêles : une pour les champignons, et l’autre pour les œufs. Chauffez un mince filet d’huile d’olive bio dans les deux poêles à feu doux, faites-y revenir, dans chacune, un demi oignon bio coupé en petits dés.

Les champignons : coupez-les en fines lamelles transversales, et versez le tout dans la poêle lorsque les oignons ont commencé à changer de couleur. Assaisonnez avec du poivre, du sel d’Ibiza, un soupçon de coriandre moulue et une pincée de persil. Laissez dorer le tout en remuant de temps en temps.

Les œufs : lorsque les oignons ont commencé à s’opacifier sous l’action de la chaleur, mettez dans la poêle quelques feuilles de romarin frais que vous aurez coupées ou déchirées avec vos doigts. Si vous n’avez pas de romarin sur votre balcon, sautez cette étape, mais sachez que c’est bien dommage, car vous vous éloignez de la recette originale. Puis cassez les œufs et laissez-les cuire à feu doux, non sans avoir rapidement ajouté le sel d’Ibiza (attention hein...), le poivre, la ciboulette fraîche si vous en avez (à défaut, le bouquet d’herbes de Provence) et une pincée de piment de Cayenne.

Coupez le poivron. Au bout de plus ou moins cinq minutes (selon votre préférence, si vous le préférez encore craquant ou plutôt cuit), ajoutez-le, soit dans la poêle aux champignons, soit à côté des œufs, s’il y a de la place. À ce moment-là, vous pouvez rajouter les abricots secs, pour donner une délicieuse saveur sucrée-salée.

Pendant les deux dernières minutes de cuisson, coupez la tomate et mettez les morceaux dans la poêle de votre choix. L’idée est qu’elle soit chaude et très légèrement cuite, mais pas complètement. Juste au moment où vous pensez avoir fini, c’est alors que vous vous apercevez que vous avez oublié le bacon. Pas de panique : vous pouvez d’ores et déjà enlever du feu les champignons bien dorés, et dans la poêle ainsi libérée, griller le bacon à feu vif pendant deux minutes.

Ta-daaa ! Et voilà ! Bon appétit bien sûr.

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Fin de l’atelier cuisine pour aujourd’hui.

Vous avez réussi magistralement à préparer votre brunch d’œufs verts au plat, façon berliniquaise. Et le goût alors ? Bah c’est pas mauvais, mais franchement la différence avec nos bons vieux œufs au plat tout banals, bruns ou blancs, ne saute pas vraiment aux papilles. Sérieux, Roxana la poule chilienne aurait pu se fouler l’anus un peu plus et nous pondre des œufs verts, carrés et au goût de fraise tagada ou de hareng saur, là on en aurait pris plein la bouche. Mais non, juste une coquille verte, et c’est tout ; à part ça, tout est pareil : un œuf au goût d’œuf lambda. Scandaleux. C’est vraiment nous prendre pour des niaiseux, et je pèse mes mots. Dans ces conditions, il est bien difficile de justifier la différence de prix. Floué, indigné, révulsé, j’étais à deux doigts de peindre une banderole rageuse et d’aller occuper mon supermarché bio, puisque c’est la mode. Mais je me suis ravisé in extremis, me consolant à l’idée de me venger dans un billet de blog assassin.

Verdict : Les œufs verts, on a testé mais on ne recommande pas forcément, sauf pour le délire rigolo, haha, hihi, héhé, huhu, hoho, voilà c’est fait on a bien ri.

PS : oui, je suis un cuisinier hors pair. La prochaine fois, nous verrons ensemble ma recette de Penne Rigate bios au parmesan bio, avec des morceaux de tomate bio. C’est un plat bio et végétarien de haute volée.

jeudi 24 novembre 2011

La cantine vs. die Kantine

Ô Lecteurs dévoués, ô fidèles Vahinés, voilà que je vous néglige à nouveau. Je vous fais donc un petit coucou affamé et congelé de Berlin, où je suis revenu après une absence prolongée : j’ai eu le bonheur de passer quelques heureuses journées automnales outre-Rhin, dans notre glorieuse Patrie où les politiciens puent du fondement certes, mais où l’on mange toujours aussi divinement. 


Mon vénéré employeur est présent dans tout plein de contrées, dont la France. Dans notre pays, le plus bel au monde, le repas du midi est une fête. La pause déjeuner dure facilement de 60 à 90 minutes, et à la cantine on nous sert ce genre de festin :

Magret de canard, haricots verts et pommes de terre au romarin, sauce au miel.
Yaourt Activia, bouteille de Cristalline 50 cl, clémentine. Prix total : 5,13€


Retour au bureau de Berlin, on perd 10°C, la nuit tombe à 16 heures, et à la pause déjeuner (vers 11h45), qui dure 30 minutes bien sonnées, on se fait servir le... les...euh, la chose suivante :


La pâte à modeler blanche est censée être du riz, les cubes jaunes, des morceaux d’ananas, le morceau de chair rose, une tentative de poulet tandoori, et la sauce blanchâtre maculée de grumeaux verts, je ne sais pas trop. Du vomi sans doute. Tout ça pour 5€. Miam. En fait j’ai pris la photo, non pas pour le blog, mais comme pièce à conviction en cas d’intoxication alimentaire, des fois que.


Ou alors ces messieurs-dames nous proposent d’insipides spécialités allemandes quand ils ont pitié de nous... Au bout d’une demi-heure de supplice, nous regagnons nos bureaux, écœurés et aigris. Après une merveilleuse semaine gourmande dans l’Hexagone, le retour à la réalité est difficile. Je veux bien accepter qu’il y ait de douloureuses contreparties à vivre à Berlin, mais ces derniers jours nos cuistots berlinois se sont surpassés dans la médiocrité pour fêter dignement mon retour.

Allez, la phase de réacclimatation est bientôt terminée et je me suis remis dans le bain teutonique. Alors à très bientôt pour des billets un peu plus bavards !

mardi 15 novembre 2011

Novembre : «Au bout du monde»

Au hasard d’une promenade virtuelle dans l’univers quasi-infini de la blogosphère mondiale, un jour où je sautillais d’un blog à l’autre pour tromper l’ennui qui m’accablait au bureau devant d’arides tableurs Excel, et me rendais progressivement à l’évidence tragique que mon blog génialissime, auquel je consacre tant de temps, n’est qu’une infime poussière, une quantité négligeable dans l’immensité de la galaxie du web 2.0, je suis tombé nez à nez avec une communauté ma foi fort sympathique de blogueurs francophones, «La photo du mois». Le principe est très simple : le 15 de chaque mois, les membres du groupe s’obligent à publier, lorsqu’il est 12 h tapantes à Berlin, euh non pardon, à midi heure de Paris bien évidemment (ah mais suis-je bête, c’est tout pareil), une photo sur leur blog, selon un thème donné qui a été choisi par un membre du groupe et validé par la communauté.

J’ai été immédiatement abasourdifié par la renversitude inouïe de ce concept, et j’ai eu envie de participer, pour m’intégrer fissa à cette communauté trop cool. Il y a déjà eu un bon paquet de photos du mois sur tout plein de thèmes depuis l’année dernière. Ce mois-ci, le thème proposé est : «Au bout du monde». Sympa, pour moi qui aime les voyages.

Gay pride in the sky? Que nenni.
M’étant inscrit complètement à l’arrache ce weekend, je n’ai pas eu le temps de me rendre au fin fond de la Patagonie pour dénicher la perle rare, et ai dû me contenter de mes archives. La photo ci-dessus a été prise, par moi ou par un de mes proches amis (je ne sais plus du tout, très honnêtement), quelque part en Laponie suédoise, à 200 km et des poussières au nord du cercle polaire, le 11 décembre 2004. Ouille, ça date pas d’hier ! Bon, la photo, bien qu’elle dégage fidèlement l’impression de solitude qui nous submerge dans ce fichu trou paumé où on se les pèle de ouf beau pays enneigé, n’est pas méga parlante à elle seule, alors je vais vous raconter son histoire : comme vous pouvez le deviner en admirant ce magnifique crépuscule, il est à peu près... 11h45 du matin ! Eh oui, à cette époque, l’aurore et le crépuscule ne font qu’un, offrant trois petites heures de relative clarté par jour, une généreuse miséricorde, pendant lesquelles le ciel a cet aspect, du moins quand il ne neige pas l’Armageddon de sa race... Dès 13 heures, les ténèbres épaisses règnent à nouveau, sans partage, jusqu’au lendemain vers 10 heures. Et la température ? Ma foi, plutôt clémente pour un mois de décembre en Laponie : un petit -15°C tranquille, et sans un souffle de vent. Même à Berlin on a vu bien pire...

Dans cette contrée frigorifiée où nous avons organisé un mémorable séjour polaire, avec mes amis étudiants Érasmus, le soleil s’était couché pour la dernière fois quelques jours plus tôt et ne devait pas pointer le bout de son nez avant la mi-janvier, longtemps après notre départ. À presque deux heures de vol plein nord depuis Stockholm (qui déjà n’est pas tout à fait le centre du monde, il faut l’avouer), puis une heure ou deux en 4x4 sur des pistes enneigées depuis la ville minière de Kiruna, léthargique et passablement déprimante, et pour finir, 3-4 heures en traîneau à chiens sur le fleuve Torne gelé, sous les étoiles et la danse irréelle des aurores boréales, il n’y a pas à dire, nous avions littéralement atteint le bout du monde, un endroit que même le soleil snobe  en beauté un bon mois par an, c’est dire.

Tout comme le soleil, les Stockholmiens bon teint préfèrent éviter cette région glaciale, et beauxoup d’entre eux n’ont jamais mis les pieds en Laponie de toute leur vie. Pourtant, c’est une expérience à vivre, promis. Comment survivre en Laponie ? Oh, avec des choses simples : porter des vêtements très très chauds, de préférence achetés sur place, et superposer 7 couches minimum, ne pas passer trop de temps dehors, se chauffer au poêle mais sans forcer, aller au sauna (au poêle) au moins deux fois par jour, se doucher un jour sur deux en n’oubliant pas de mettre son gel douche à décongeler avant d’aller au bain, adopter une alimentation diversifiée (ragoût de renne, steak de renne, grillades de renne, bourguignon de renne, etc.), boire de la vodka dès la tombée de la nuit pour mieux apprécier le spectacle des aurores boréales, et aller dormir sous des couvertures en peau de renne soyeuse... Que du plaisir !

Si vous voulez vous rendre à l’«Ice Hotel» de Jukkasjärvi, dans les banlieues huppées de Kiruna, depuis les prés verdoyants de Chilleurs-aux-Bois, vous n’avez qu’à suivre le guide !

Envie d’un petit supplément d’évasion en cette mi-novembre ? Allez donc voir les photos de :

100driiine, 4 petits suisses dans un bol de riz, A&G, Agnès, Alexanne, Alice, Anne, Aude, Babou, blogoth67, Boopalicious, Calamity Scrap, Carnets d'Images, Caro, Cathy Brocard, Cécy, Celiano, Céline, Céline in Paris, Champagne, Cherrybee, Cindy Chou, Clara, Claude, Le-Chroniqueur, Cynthia, Doremi, Dorydee, Dr.CaSo, E, Emma, Fabienne, Filamots, Florian, florianL, François, Frankonorsk, Frédéric, Guillaume, Gilsoub, Gizeh, Glose, Grignette, hibiscus, Hugo, Ines meralda, Isabelle, Jean WILMOTTE, jen et dam, JoAnn, Karrijini, Krn, Kyn, La Fille de l'Air, La Madame, La Papote, La Parigina, Laurabreizh, Laure, L'azimutée, LE BOA BLEU , Le-Chroniqueur, Le Loutron Glouton, Le Mag à lire, le via carmina, Les voyages de Seth et Lise, lesegarten, Lhise, Lucile et Rod, M, M.C.O, magda627, Mandy, Manola, margote05, Margouia, Marie, Marion, Maureen, M'dameJo, Mérantaise, Nathalie, Niwatori, Nolwenn, Nomade57, Noon, Olivier, Onee-Chan, Ori, Où trouver à Montréal? , Rene paul henry, Sébastien, Sephiraph, Sinuaisons, Sprout©h, Stephane08, Surfanna, Tam, Tambour Major, Terhi, The Mouse, Thib, Titem, Un jour-Montreal, Urbaine, Urbamedia, Vanilla, Viviane, Xavier Mohr, au bout du monde.

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lundi 14 novembre 2011

La jungle dans le ciel

Halloween est arrivé, puis reparti, et c’est maintenant au tour de Noël de frapper à nos portes, pour de vrai cette fois. La probabilité de passer pour un gros naze victime de la marchandisation éhontée des fêtes de la Nativité étant désormais proche de zéro,  il est donc plus que temps de se préoccuper pour de bon des préparatifs de fin d’année. Imaginez un instant que vous êtes un(e) Martiniquais(e) exilé(e) loin de son île parfumée : pour vous se pose évidemment la question d’un retour au pays pour gagner 40°C par rapport à Berlin et buller peinard à la plage pendant deux semaines au lieu de risquer l’hypothermie à chaque instant sur les rives de la Spree prise par les glaces célébrer dignement la naissance du petit Jésus, entouré de la famille et des êtres chers, dans la ferveur des traditions antillaises.

Hélas, entre votre petit appart’ berlinois où vous grelottez sous les plaids pour ne pas vous ruiner en chauffage dès début novembre, et la chaleur radieuse des retrouvailles familiales dont vous vous languissez, se dresse plusieurs obstacles de taille : 8.000 kilomètres, un océan, mais surtout, la jungle impénétrable des tarifs d’Air France. Voyez un peu le topo :

Vers la mi octobre, alors que mon moral dégringolait, dans le sillage de la courbe des températures, je suis allé faire un petit tour sur le site d’Air France pour prendre la température du marché, m’attendant, comme d’habitude, à pleurer d’écœurement en découvrant les tarifs exigés... WOUHOU ! Divine surprise ! Les billets sont pour l’instant à 658€ l’aller-retour Berlin-Paris-FDF-Paris-Berlin, soit le tarif le plus bas que j’aie jamais vu vers les Antilles à cette période de l’année. Quelques jours passent, le temps de consulter mes parents et mon frère en toute urgence pour nous accorder sur les dates, plus poser mes congés, tout en gardant un œil sur le prix, qui reste remarquablement (et miraculeusement) constant.

En automne, je me sens pousser des ailes

Le 27 octobre, je suis fin prêt, et dégaine ma carte Amex Platinum incrustée de diamants (je suis du genre «pauvre mais bling-bling»). Bien évidemment, le prix du billet est monté à 727€, sinon ce ne serait pas drôle. C’est frustrant, mais qu’à cela ne tienne, 727€ reste un prix très abordable pour la période de Noël aux tarifs habituellement prohibitifs. J’achète donc immédiatement mon billet plutôt que de courir le risque de subir des hausses supplémentaires, qui ne pourront que se produire tôt ou tard : déjà si je veux prendre un billet en décalant mon départ et mon arrivée de 2 jours, ça fait 300-400€ de plus, une tendance qui n’a rien de rassurant. Et voilà, c’est chose faite.

La semaine dernière, par curiosité (et pour préparer ce billet de blog, en fait) je retourne sur le site d’AF, et paf, les vols que j’ai achetés, exactement aux mêmes horaires et mêmes dates, sont redescendus à 658€, comme par enchantement. Révolté, j’appelle immédiatement le service client, qui me prête une oreille compatissante («mais oui Monsieur Berliniquais, moi aussi en tant que consommatrice je comprends bien votre problème») mais refuse de traiter ma question. Peu disposé à déposer les armes, je saisis ma plus belle plume de paon et écris un e-mail, courtois mais ferme, auquel je reçois, trois jours plus tard, la réponse suivante :
Objet : Réponse à votre demande du 07 Nov 2011 
Cher Monsieur Berliniquais, 
Nous vous remercions pour votre message, présentons nos plus sincères excuses et nous jetons à vos pieds en implorant votre mansuétude pour le désagrément provoqué.
Nous comprenons vos interrogations au sujet de la construction de nos tarifs et souhaitons vous apporter quelques informations.
Notre politique tarifaire repose, pour chaque destination, sur la mise en vente d’une gamme de tarifs la plus large possible. Elle permet, dans les conditions économiques données, de répondre aux besoins d’un grand nombre de clients mais surtout de les enfumer au maximum.
Cette gamme de prix est construite à partir de certains principes simples : date d’achat, souplesse de modification, date du voyage, concurrence, température au sol à l’aéroport d’Orly, prix du baril de pétrole à New York, évolution du CAC40, nombre de tweets sur le compte de @JustinBieber.
Par conséquent, les tarifs affichés sont susceptibles d’évoluer à tout moment vers une baisse ou une augmentation en fonction des critères évoqués précédemment.
Je comprends votre frustration, mais ne peux donner une suite favorable à votre demande de remboursement à cette occasion.
Malgré cette situation regrettable, j’espère que vous accepterez le pot de vaseline offert par la maison en guise de compensation et donnerez à notre Compagnie l’occasion de mieux vous servir à l’avenir.
Étant donné que vous êtes conscient que l’alternative pour vous serait, de toute façon, une longue traversée à la nage en eau très très froide, je suis certain que malgré votre mécontentement, nous aurons le plaisir de vous revoir prochainement sur nos lignes, et vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma commisération distinguée. 
Cordial baiser de Judas, 
Jean Nayrien-Ascouay de Vaugéremmiade
Chargé de Relations Clientèle 
Merci de ne pas répondre directement à ce courrier électronique, car toute réponse directe sera dirigée vers une messagerie inactive et ne sera pas prise en compte, c’est-à-dire qu’elle sera encore moins prise en compte que votre message initial, imaginez un peu la cata.
C’est donc la révélation de cette fin d’année pour moi : un billet d’avion s’achète désormais comme une action en Bourse ou une obligation grecque. Enfin, ainsi va le monde dans lequel nous vivons. Et le pire, c’est qu’à l’origine, lorsque j’ai eu l’idée de parler des billets d’avion vers les Antilles, ce n’était même pas à cause de cette petite mésaventure, mais pour un autre aspect vraiment plus choquant de l’opacité des tarifs d’Air France.

Que dites vous de cela : pour aller en Martinique du 13 au 28 décembre, le prix du vol est donc, au départ de Berlin, de 658€, mais au départ de Paris (ce qui constitue seulement une sous-partie du voyage que je vais effectuer en fait) il est de... 972€ !!!! Certes, 972 est un nombre intéressant car c’est le numéro du département de la Martinique, mais tout de même, cela représente la bagatelle de 314€ de plus que ce que paye un voyageur parti d’Allemagne.

Paris - Fort-de-France du 13 au 28 décembre : 972€

Les Antillais qui veulent rentrer au pays pour Noël depuis la métropole (clientèle captive et nombreuse), ainsi que les nombreux Métropolitains désireux de passer les fêtes de fin d’année au soleil, se font donc joyeusement tondre par Air France et subventionnent les billets des gens comme moi qui ne résident pas en France et bénéficient de tarifs imbattables vers les Antilles françaises, car il faut rendre la destination attractive auprès de ces clients européens qui, pour 1.000€, iraient plus volontiers en Argentine ou en Australie plutôt que sur une petite île inconnue au bataillon...

Pensez-y donc, amis Parisiens (antillais et autres) : si vous voulez aller en Martinique, faites un crochet par Berlin et vous réaliserez une belle économie, parce que sur les 320€ de différence, vous avez largement de quoi vous payer un aller-retour Paris-Berlin supplémentaire et même une chouette nuit d’hôtel ! Évidemment, vous flinguez au passage le bilan carbone de votre voyage, mais dites-vous que c’est l’absurdité cynique des tarifs d’Air France et de son yield management qui vous contraint à de telles extrémités.


Berlin  Fort-de-France (avec escale à Paris) du 13 au 28 décembre : 658 euros au même moment

jeudi 10 novembre 2011

Électro berlinoise et autres opiums du peuple

Novembre 2011. L’automne touche à sa fin, les premiers marchés de Noël (les plus pourris d’entre eux) ouvrent déjà leurs portes, et pourtant, tout le monde se met au bermuda. Mais oui, mais oui. Les Berlin Music Days, ou «BerMuDa Festival» de leur petit nom pour faire fun et décalé, sont, depuis 2009, un nouveau venu dans l’univers déjà surpeuplé des manifestations musicales organisées dans la Hauptstadt

Une affiche pour le BerMuDa sur la Warschauer Strasse
Cependant, le BerMuDa se démarque du tout-venant en mettant l’accent, accrochez-vous bien, sur la «nationale und internationale Crème de la Crème der elektronischen Musik in Berlin», selon le site internet. Et qu’on se le dise. Un festival électro à Berlin ? Il fallait y penser. Non mais c’est vrai quoi, il y avait un créneau à occuper : aucun festival électro digne de ce nom n’avait eu lieu jusqu’ici, bien entendu à l’exception de la Fuckparade, de la Club Transmediale, du Dream-Wandering. Franchement hein, de l’électro, c’était tout ce qui manquait à l’offre culturelle locale. 

Allez, je persifle un peu, mais le BerMuDa a bien entendu trouvé son public, et ce sont des dizaines de milliers de fêtards qui ont guinché jusqu’au petit matin pendant quatre nuits dans pas moins de 39 discothèques différentes à travers la ville, plus une ancienne aérogare, dont les dimensions monumentales ravalent le légendaire Berghain au rang de minuscule arrière-salle étriquée. D’ailleurs, le Berghain, mécontent de se faire voler la vedette ne serait-ce que quelques jours, ne s’est pas associé à l’événement. Mauvais perdant va.

C’est très bien tout ceci, mais au lieu de vous dresser un compte-rendu exhaustif de toute l’actu électro berlinoise de ce mois de novembre, je vais plutôt vous narrer, en deux ou trois lignes à peine, les temps forts de la soirée de clôture du festival (a.k.a «Fly BerMuDa»), telle que je l’ai vécue à l’ancien aéroport de Tempelhof, reconverti depuis sa fermeture en 2008 en gigantesque temple de l’hédonisme. Ready? Alors c’est parti !

20 h. La soirée débute à Tempelhof, avec Sebo K et Marco Resmann aux platines. La nuit mélomane est censée durer jusqu’à dimanche midi, alors rien ne presse : je suis encore pépère à Friedrichshain avec mes amis, loin des décibels hurlants. La techno attendra.

22 h 45. Avec un grand groupe d’amis et collègues français, nous nous prémunissons contre la faim lors de la longue soirée qui nous attend, en nous offrant un burger bio à «Kreuzburger», sur la Grünberger Straße. Beurk, on est bien loin de la qualité du «Frittiersalon», mais au moins l’objectif est atteint : nous voilà calés pour toute la nuit.

00 h 14. Nous avons été bien inspirés d’arriver de bonne heure à Tempelhof : il n’y a pas encore trop d’attente à l’entrée. L’ennui, c’est que les vigiles peuvent donc faire du zèle, puisqu’il n’y a pas encore de grande affluence. Je subis la fouille au corps la plus indécente de toute ma vie, selon une technique imparable mais controversée encore en cours de déploiement dans les aéroports militaires américains. Mais non enfin, je vous assure que ce petit renflement n’est pas un sachet de drogue, c’est juste ma prostate. 

00 h 22. 46€ le billet d’entrée, 7€ pour le vestiaire... Ma foi, depuis que le baron von und zu Guttenberg a pécho séduit la princesse von Bismarck-Schönhausen à la LoveParade, la techno, c’est devenu carrément élitiste, les enfants. Surveillez votre port de tête et levez bien le petit doigt en buvant votre bière.

00 h 41. J’ai déjà perdu presque tout le groupe alors que je parlementais avec une serveuse tellement odiöse que même son petit minois teuton ne lui suffirait pas à se faire pardonner. Je me retrouve seul avec Craig (*) le Londonien, et malgré des échanges de textos frénétiques avec Lucas (*), nous ne parvenons pas à retrouver la bande. Nous nous donnons rendez-vous au bar dans 30 minutes, histoire de commencer à profiter de la soirée, il en était temps. 

«Hey , il assure grave ce Tiefschwarz, tu trouves pas, Craig ?
– What? 
– Il est bon Tiefschwarz, non ? 
– What? 
– JE KIFFE TROP CE DJ, ET TOI ? 
– Eeeerrr, sorry, what did you say? 
– Oh well, never mind!»

00 h 49. Un type que j’ai à peine le temps d’apercevoir me susurre un truc indéfini à l’oreille. Je distingue très vaguement, sans en être complètement certain, «Kokaine, Marijuana». Plutôt que de chercher à en avoir le cœur net, je préfère refuser poliment, par prudence.

1 h 02. Branle-bas de combat aux platines. Du matériel de mixage est démonté et emmené, une autre table arrive aussitôt. Tiefschwarz est remplacé par dOP. Nouvelle volée de textos avec Lucas : on profite de l’interlude pour tenter de réunifier le groupe. 

«On est au nivo de la vente ticket drinks, m’écrit Lucas. 
– On arrive! DON’T MOVE [on est trop multilinguôle and internachonôle, les Érasmus trentenaires de Berlin que nous sommes, ndlr]
– Mince, on vous trouve pas! 
– Vs êtes au hall 1 ou au 2? 
– Ah bon, y’a 2 halls??? OK on est en route pr l’autre.»

1 h 17. Bah voui banane, il y avait bien deux halls. Ça m’apprendra à payer autant sans même me renseigner un minimum sur le programme. Le groupe est réunifié dans le hall 1, une salle immense qui pourrait abriter à elle seule un immeuble de plusieurs étages. Le DJ authentiquement berlinois Fritz Kalkbrenner met le feu. Heureusement pour nous, la foule n’est pas encore assez compacte, et on peut se rapprocher de la scène en jouant des coudes.



1 h 36. Un spectre me murmure des mots doux à l’oreille. «Cocaïne, ecsta, MDMA, j’ai tout ce qu’il te faut mon gars». Non, sans façon, mais merci quand même pour la charmante attention. Je fais part de mon étonnement à Lucas, qui me répond, hilare, qu’il en est bien à son troisième dealer depuis notre arrivée. Ça par exemple, mais comment ont-ils fait pour entrer dans l’enceinte avec autant de matos, ces gredins ? N’ont-ils pas été fouillés comme nous jusque dans les plus profonds replis de leur anatomie ?

1 h 50. Quelle star ce Kalkbrenner. Il conclut, devant un public camé à mort complètement survolté, un premier mix qui a duré 35 minutes de boum-boum-boum (adagio), et enchaîne en douceur sur le deuxième mouvement : boum, boudoum, bang, bang, boum (allegro ma non troppo).

Oh la belle rose ! Ah la belle bleue !
1 h 58. Les murs tremblent. Dans la foule de plus en plus dense, on parvient, au bout de 33 SMS, à retrouver des amis arrivés un plus tard par un autre convoi, parmi lesquel(le)s Janne (*). Les retrouvailles sont chaleureuses et l’ambiance est à son comble. Un grand escogriffe au visage poupin me propose timidement de la coke, du «speedball», de l’héro. Hygiène garantie : dans un repli de sa veste, il a des seringues sous emballage scellé. Je suis impressionné par un tel gage de professionnalisme tout germanique, mais m’abstiens malgré tout. En l’espace de deux heures on aura tenté de me refourguer autant de came que pendant trois années berlinoises durant lesquelles je ne me suis pas privé de sorties, loin s’en faut.

2 h 15. « Ça va envoyer du lourd, là», me prévient Lucas, expert en électro. Kalkbrenner quitte la scène sur un andante grazioso de fort belle facture, et laisse la place à un autre monument de la Nacht berlinoise, Sven Väth, au nom prédestiné pour être DJ (ça se prononce «Fête», ha, ha). Contrairement aux autres vidéos de ce récit, la ci-dessous a été filmée et mise en ligne par mes soins. Elle est, malheureusement, de bien moins bonne qualité que cet autre extrait, par exemple.



2 h 36. Lucas ne s’y est pas trompé : Sven Väth envoie du lourd. Par la moustache de Jupiter ! Ça déménage ce son. D’ailleurs, nous sommes au tapis. Une petite pause pour se reposer les tympans et respirer à l’air libre n’est pas de trop, à ce stade. Une piste d’atterrissage, quelques chaises longues, un ciel étoilé, 40 décibels de moins qu’à l’intérieur : c’est parfait !

Une pause à Tempelhof dans la grande fraîcheur d'une nuit d'automne

2 h 44. Oui, c’est parfait, mais la pause sur la chaise longue par 3°C, ça va cinq minutes, à moins d’être allemand et / ou aidé de produits plus ou moins licites. Rentré dans la chaleur moite de l’aérogare et le boum-tchiki-boum vivacissimo scherzando de Sven Väth, je dribble un revendeur de galettes de crack peu amène et un poil trop insistant, puis décline l’offre pourtant alléchante d’un négociant en boutons de peyotl du désert de Chihuahua. Sven Väth se laisse sûrement écouter sans qu’on ait besoin de toutes ces cochonneries, non ?

Bah alors ? Et Yoshi dans tout ça ?
3 h 25. Sven-la-Fête ne mollit pas. Badaboum-boum-boum. Berlinetto electrissimo. Sont-ce Mario et Luigi à ma droite ? Suis-je encore clean ou bien tous ces psychotropes en circulation autour de moi ont-ils fini par m’attaquer le cerveau ? Pour m’assurer que je ne suis pas en proie à des hallucinations, je prends des photos: mon SonyEricsson-même-pas-smartphone, lui, a encore tous ses esprits, et confirme que ce sont bien les héros de mon enfance qui se trémoussent à côté. La classe !

4 h 09. À propos d’enfance, je me fais la remarque qu’il y a énormément de petits jeunots autour de la vingtaine. La jeunesse est friquée, de nos jours, pour se payer des soirées aussi chères et toutes ces... substances exotiques. En fait, je suis au bal des débutantes à la mode berlinoise, en quelque sorte. Oui, l’électro s’embourgeoise indéniablement. Pourtant, voilà qu’une créature édentée, à la peau lépreuse, aux yeux caves, à la chevelure pitoyablement clairsemée, interrompt ma rêverie pour me vanter, entre deux borborygmes, les mérites de sa dose de «Krokodil» élaborée avec tout le savoir-faire des banlieues délabrées de Tcheliabinsk. Épouvanté par cette apparition sépulcrale, je prends mes jambes à mon cou.

Vous dansiez ? Eh bien chantez maintenant !
4 h 20. Sven Väth, après deux heures de show qui te molto ecclattissimo les oreilles, laisse la place à Plastikman. L’intro est électro-psychédélique à souhait, et nous transporte dans une sorte de vaisseau spatial, à travers une galaxie lointaine. Cependant, histoire de changer de cadre, nous retournons dans le Hall 2, spacieux mais tellement petit en comparaison avec l’immense Hall 1. Ici, c’est M.A.N.D.Y qui assure l’ambiance depuis un bon moment, et c’est chaud. Dans la petite boutique de goodies stratégiquement située entre les deux salles, un cabas attire notre attention, et c’est Janne (*) qui m’explique l’évidence : ah ! qui disait que la techno, ça ne pouvait pas se chanter ? Les voilà donc, les paroles de l’électro berlinoise (moderato cantabile) ! Évidemment, ce n’est pas du Brassens, mais essayez de danser pendant six heures sur Gare au gorille pour voir...

5 h 26. Magda a succédé à M.A.N.D.Y. Je commence à fatiguer, mon déhanché faiblit, ma capacité à distinguer toutes ces vibrations diminue. Je confonds un «boum, boum» basique avec le plus délicat des «wob, wob». Dans le Hall 1, c’est maintenant  Ricardo Villalobos, un Berlinois d’origine latino et pas trop branché salsa, qui préside les débats (doppio movimento molto kiffante). Mes amis retournent dans la salle infernale, et bien sûr je les suis, le pas lourd. Un habile vendeur me propose des feuilles de coca bio des hauts plateaux des Andes. L’argument massue ? Elles sont certifiées 100% commerce équitable ! Assurément, cela achève de me convaincre, et j’aurais sans aucun doute accepté la transaction si j’avais sur moi la centaine d’euros demandée. Évidemment les dealers n’acceptent pas les paiements par carte. Zut alors. Tant pis, je contribuerai à la prospérité d’une communauté andine une autre fois.

Je crois que c’était encore pendant la partie de Sven Väth...
5 h 50. C’est le drame. Un coupe-jarret arrache à Leandro (*) l’Espagnol la chaîne en or qui dépassait de son col rond, nous laissant à peine le temps de l’apercevoir et encore moins de réagir. Sûrement un consommateur en mal de liquidités pour payer ses petites friandises... Tout compte fait, on n’est pas qu’entre gens comme il faut ici. L’incident, rarissime dans notre Berlin ultra-safe, où l’insou-
ciance est la règle, plombe quelque peu l’ambiance dans le groupe.

6 h 14. Je rends les armes. «Mais non, pars pas maintenant», plaide Lucas. «T’es trop con de t’en aller au meilleur moment», renchérit Pierre (*). Tout bien réfléchi, justement, je préfère partir au meilleur moment, surtout après six heures de danse non-stop, puisque tout ce qui vient après sera forcément moins bien. Et puis jenpeupu, quoi. Il me faut un minimum de force pour regagner mes pénates.

7 h 07. C’est l’aube, d’un gris rosâtre dilué dans les nappes de brouillard. Je m’écroule dans mon lit chaud et douillet. La prochaine fois, j’irai au BerMuDa avec 2.000 euros en liquide histoire de faire mon shopping pendant la soirée. Ou pas.

8 h. Les derniers DJ prennent place à leurs platines, devant un public de zombies aux fosses nasales encombrées de poudre (sans doute). Coooool.

(*) Les noms ont été changés, comme toujours.

vendredi 4 novembre 2011

Beauté de Berlin : Herbstzauber

Oranienplatz, à Kreuzberg, le weekend dernier. Le nez au vent, humant ce parfum de feuilles de tilleul sèches qui embaume toute la ville, je chevauche mon fidèle Holland-Rad, en prenant tout mon temps, en m’attardant sur chaque coup de pédale, en savourant une sensation de bien-être ensoleillé. Je profite d’un de ces trop rares moments où je m’accorde le privilège de ne pas être pressé, de n’avoir aucune contrainte de temps, aucune activité urgente. À un carrefour, je m’arrête pour laisser passer les voitures. Mon regard tombe machinalement sur le cycliste qui attend en face. Un visage tout à fait familier se dé-floute alors. Ça alors, mais c’est ce sacré Olivier ! Décidément, je n’arrête pas de tomber nez à nez avec lui dans les rues. Un truc de dingue. Je lui fais signe, puis arrive à sa hauteur.

Partie de boules sur Oranienplatz un dimanche de la fin octobre.
Sans cigales ni pastis, mais l'ambiance y est pour de vrai : "Ach Karl-Heinz, tu tires ou tu pointes ?"

«Hey, salut mec ! Ça va ?
– Ben ouais, et toi ?
– Ouais, bien. Je suis peinard, je me promène, c’est cool.
– Cool.
– C’est quand même fou qu’on se croise comme ça dans la rue, tout le temps, aux quatre coins de Berlin, tu ne trouves pas ?
– Euuuuh, tu es sûr ? J’ai plutôt l’impression que je ne te connais pas.
– Heeeiiin ?! Quoi ? Qu’esss’ tu m’dis là ? Tu n’es pas Olivier ?
– Ah non, pas du tout.
– Ah ben mince alors ! Désolé hein : je t’ai pris pour quelqu’un d’autre. Mais toi tu me réponds tranquillement, comme ça, comme si on se connaissait.
– Bah oui, pourquoi pas. Tu me demandes si ça va, alors je te réponds que ça va. 
– Et en plus tu me réponds en français ! Avoue que cela ne va pas de soi, à Berlin !
– Eh ouais. C’est une drôle de coïncidence, mais je suis d’ici. Toi tu es d’où ?
– De la Martinique. D’ailleurs Olivier aussi est martiniquais. Tu lui ressembles vachement, dis donc. Mais toi tu es berlinois alors ?
– Oui, et en fait mon père est sénégalais. C’est pour ça que je parle français.
– Ah boooooon, mais tout s’explique ! C’est aussi pour ça que tu as une tête d’Antillais ! C’est quand même fou ce hasard.
– Oui, c’est marrant. Mais je ne m’appelle pas Olivier. Moi c’est Badou. Et toi ?
– Enchanté, Badou. Moi c’est [Jason-Isidore, le prénom que j’aurais toujours voulu porter].
– Mais moi de même, [Jason-Isidore] !
– Cool, eh bien bonne fin de journée, et peut-être à une prochaine fois Badou.
– À une prochaine, certainement !»


Un moment de tranquillité dominico-automnale entre tilleuls et platanes sur Leuschnerdamm, près d'Oranienplatz.


Ainsi, je me suis éloigné d’«Olivier» («Papa, Afrikanisch», tiens voilà qui me rappelle quelque chose, héhé) et été quitte pour une drôle de rencontre, un moment de cinéma. Cette petite anecdote n’a pas grand’chose à voir avec mon propos, mais elle n’aurait certainement pas eu lieu si je ne m’étais pas mis en tête de me balader dans Kreuzberg juste pour le plaisir d’admirer les feuillages moribonds dans la ville. Et quelle superbe agonie. Il est tout simplement magnifique, cet automne cuvée 2011. Et contrairement à ce que je disais il y a quelques semaines, il dure, dure, et dure encore. Pas de pluie ni de vent pour dépouiller brutalement les arbres de leurs ardentes frondaisons, et il ne fait même pas trop froid. Résultat : on se régale du spectacle depuis quelques semaines. 


Une sieste sur un tapis de feuilles au Volkspark Friedrichshain.
Dormez tranquilles, les amoureux : Médor veille sur votre sommeil.

N’ayant pas de don pour la peinture et ne pouvant pas tirer autrement profit de cette infinie palette de couleurs, qui varie chaque jour, et même à chaque heure en fonction de la position du soleil, je me suis fait «chasseur d’automne» : donnez-moi une heure de liberté et je pars en vadrouille, écarquillant les yeux pour ne rien louper de tous les petits spectacles du quotidien. Je mitraille sans relâche ces scènes banales fabuleusement embellies par la magie de l’automne. Ce n’est pas une exagération ni une formule creuse que de parler de «magie» :  pour que des rues aussi hideuses que la Köpenicker Straße ou la Gitschiner Straße, ces oppressantes artères de béton gris dans le Kreuzberg moche, deviennent plaisantes à regarder, c’est qu’il y a vraiment de la sorcellerie à l’œuvre. C’est ça, la puissance de l’Herbstzauber.

Sous les tilleuls de la Köpenicker Straße

Toujours la Köpenicker Straße, près du Spindler & Klatt. On dirait que la brique rouge porte une fourrure.

«Hallo! Hé! Psssst!
– Hein, qu’est-ce qui se passe ? Je ne vois personne.
– Hallo! Hier! Der Baum! [Bonjour ! Ici ! L’arbre !]
– L’arbre ? Un arbre me parle maintenant ? Je suis devenu maboul à ce point ?
Nee, nee, guck oben im Baum! Halloooo! [Mais non, regarde en haut, dans l’arbre. Saluuuut !]
– Salut. Ça boume ?
– Super. Tu peux me prendre en photo ?
– Mais bien sûr ! Un instant... voilà c’est fait.
Danke.
– Tout le plaisir est pour moi. Bonne journée alors.
Tschüß!»


Tarzan aus Marzahn


Dans un petit parc de Friedrichshain près de la Bänschstraße, un énergumène au visage peint en noir, perché dans un superbe marronnier, m’interpelle. Et pourquoi ça ne m’étonne même pas ? Décidément, quand on se fait chasseur d’automne à Berlin, on en voit de toutes les couleurs, au propre comme au figuré... Au passage, c’est sympathique un marronnier qui attend la fin octobre pour perdre ses feuilles pendant le vrai automne, plutôt que de virer couleur rouille dès la fin juillet...

Bain de soleil d'automne sur la Bänschstraße

Dans la quiétude solitaire de Ritterstraße, au cœur du Kreuzberg que l’on oublie trop souvent : le Kreuzberg sans bars et sans attraits, où les barres d’immeubles se succèdent. Une statue de saint-Untel m’interpelle presque aussi bruyamment que le Tarzan aus Marzahn de la Bänschstraße. D’abord, on est dans un quartier à forte population turque, et une église surprend dans ce paysage. Et surtout, le tapis de feuilles mortes aux pieds de l’apôtre décuple prodigieusement la solitude et l’austérité du lieu.



Ma cour d’immeuble ! Le marronnier est complètement dénudé depuis bien longtemps déjà, mais heureusement il reste le la vigne vierge ! Le seul moment où je peux profiter de ce spectacle, c’est le matin avant de partir au boulot : Le soir, quand je rentre, il fait déjà nuit depuis bien longtemps...



Rouge, jaune et vert, sur la Prinzenstraße, encore dans le Kreuzberg-«ghetto». Mais dites donc, vert, jaune et rouge, ne sont-ce pas les couleurs du Sénégal ? Et moi je rencontre comme ça des germano-sénégalais juste avant... Ce n’est pas une coïncidence, c’est l’Herbstzauber, vous dis-je.

Le Sénégal s'invite à la Prinzenstraße

Une scène de jeu au Volkspark Friedrichshain, au milieu des graffitis qui appelle à donner la chasse aux «yuppies». Moi je préfère me faire chasseur de chouettes clichés d’automne, ne vous déplaise, messieurs les énervés de gauche



C’est bien la première fois que je m’arrête pour admirer la beauté du spectacle de la Gitschiner Straße, dans le ghetto kreuzbergeois. Et sûrement la dernière aussi.



Moritzplatz, à la frontière entre le Kreuzberg sympa pour les sorties, et le Kreuzberg de l’envers du décor. Au loin, le Fernsehturm nous prend par surprise et s’invite dans le panorama.


Retour dans des secteurs un peu moins inhabituels. À Schlesisches Tor, quartier festif de Kreuzberg, un promeneur solitaire longe un petit square planté de tilleuls.



Sur le May-Ayim-Ufer, le long de la Spree, cette scène peut vous faire prendre conscience de l’énorme inconvénient auquel nous devons faire face en cette saison : quand les trottoirs sont jonchés de feuilles mortes, chaque pas sur ce tapis jaune et brun au doux parfum peut être fatal... j’en ai déjà fait l’amère expérience, car il est impossible de maintenir une vigilance constante devant ce danger invisible. Une vraie plaie.

Terroriste à quatre pattes

Finissons notre promenade automnale friedrichshaino-kreuzbergeoise sur les bords du Landwehrkanal, une voie d’eau romantique et ombragée qui traverse Kreuzberg d’est en ouest, un centre névralgique de la dolce vita à la berlinoise. À cet endroit, le canal s’élargit en un bassin appelé Urbanhafen, idéal pour glandouiller en toute saison, avec ses arbres, ses cygnes, ses bateaux et ses pelouses en pente douce. 


Je suis d’accord avec vous, ça fait beaucoup de billets «Beauté de Berlin» en ce moment, mais vous ne trouvez pas que la ville est tout simplement magnifique depuis quelques semaines ? Ce n’est pas très souvent le cas, alors profitons-en à fond !
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