mardi 28 juin 2011

Jazz up your life!

Cest lhistoire trop banale dun vieux couple qui ne se parle plus depuis dix ans. Pour remédier à cette situation sans issue, les deux époux décident daller consulter un grand psychologue spécialiste de ce problème. Après les avoir entendu exposer leur cas, alors que la consultation n’est pas encore terminée, le psy quitte la pièce et y revient avec une contrebasse. Il attaque alors un solo sur l’air de On Green Dolphin Street.

Au bout de quelques instants, le mari se tourne vers sa femme.
«Dis donc Fernande, on a pensé à verrouiller les portes de la voiture?
– Bien sûr Eugène, tu as fermé la porte et la clé a failli t’échapper des mains et tomber dans le caniveau, rappelle-toi.
– C’est ben vrai ça.
– Par contre, puisque nous sommes sortis, ce serait bien qu’on aille à la poissonnerie. J’ai vu qu’il y avait un arrivage d’espadon frais.
– Mmmh, de l’espadon ! Ça fait longtemps que tu ne m’en as pas fait, chérie.
– Évidemment ! Je ne vais pas te faire un court-bouillon d’espadon alors que tu ne me parles plus depuis toutes ces années !
– Mais justement, je me disais que c’est idiot de ne plus se parler à cause d’une histoire vieille de dix ans.
– C’est vrai Eugène. Tout ça pour une histoire de tarte trop cuite !»


Et ils parlent, parlent et parlent à n’en plus finir, mettant dix ans sur la table / comme on étale ses lettres au Scrabble, comme disait cet autre chanteur. Le psy termine son solo, conclut et pose sa contrebasse. Le couple, abasourdi, lui dit : «Mais cest un miracle, on se parle! Comment avez-vous fait docteur?» Le psy répond : «Rien de plus facile: pendant les solos de contrebasse, tout le monde, absolument tout le monde parle!»

Eh oui, ceci était une blague de musicos, la première sur ce blog. Vous en voulez une autre ?

Quelle est la différence entre un violon et une contrebasse ?
La contrebasse brûle plus longtemps...

Avishai Cohen, star de la contrebasse

J’en ai trouvé encore quelques autres, mais elles sont toutes du même tonneau, et pas franchement à mourir de rire. Qu’est-ce qu’on rigole, chez les musiciens! Bref, en lisant ces petites blagounettes qui provoquent l’hilarité générale dans cet univers interlope, vous ne vous êtes probablement pas esclaffés grassement en vous tapant les cuisses, et n’avez pas renversé votre verre de beaujolais sur la jupe plissée de tante Suzette en reprenant votre souffle entre deux sanglots bouffons. Néanmoins, ces blagues ont indéniablement mis en relief un fait qui avait peut-être échappé à votre attention jusqu’ici : les contrebassistes sont de grands incompris, tant du public que de leurs confrères musiciens, et pendant un concert, on leur prête rarement attention, relégués qu’ils sont dans un recoin obscur de la scène, là où leur volumineux instrument attire le moins possible les regards.

Le trio d'Avishai Cohen au Musée juif de Berlin
Et pourtant, et pourtant... c’est bien pour écouter un contrebassiste que des centaines de personnes sont venues, de leur plein gré (supposé-je), au Jüdisches Museum de Berlin, près de Checkpoint Charlie. Dans le cadre du festival Sounds No Walls, Jazz & Jewish Culture, l’Israélien Avishai Cohen, star mondiale des contrebassistes, a fait vibrer un public berlinois qu’il n’avait pas revu depuis deux ans, et qui a surkiffé en silence, contrairement à ce que laisse croire la blague. Car les Allemands ne sont pas un public très démonstratif, du moins tant qu’ils sont sobres. Le musicien s’en est même étonné à un moment, nous lançant un “You’re so quiet... Cool” dont il était difficile de savoir s’il se réjouissait ou s’en désolait. Mais surtout, si l’on a écouté en silence, c’est bien sûr parce que quand Avishai Cohen et son trio jouent, on se tait et on écoute.

Le groupe présentait les morceaux de son tout nouvel album, Seven Seas, ainsi que des morceaux qu’ils n’ont pas encore enregistrés. Au programme de ce concert, des airs à la contrebasse, au piano et à la batterie, car c’est du jazz sans trompette ni saxophone, un jazz principalement instrumental, plutôt avare de ses paroles, donc assez inhabituel pour le profane que je suis. Mais lorsque le jazzman daignait donner de la voix, c’était surtout pour chanter des airs en ladino, une langue presque oubliée qui est à l’espagnol ce que le yiddish est à la langue allemande, et qu’il a héritée de sa famille.

La verrière du patio du Musée juif un certain soir d'été

C’était donc un trio atypique à bien des égards que nous avons écouté ce vendredi au Musée juif, un trio qui faisait la part belle à la contrebasse, mais aussi à la batterie, grâce à l’incroyable talent du jeune Amir Bresler, 21 ans à peine et déjà parti à la conquête du monde... Ah, de jeunes blancs-becs surdoués de cet acabit, c’est vraiment tout ce dont j’avais besoin pour rechuter de plus belle en pleine mid-life crisis. Cependant, le talent de ce petit jeunot a fait l’unanimité au Musée juif. Le public berlinois s’est même laissé aller, par moments, à exprimer presque bruyamment son enthousiasme, et après les improvisations les plus inattendues et les solos les plus déchaînés, nous étions tous hors d’haleine, aussi bien le public confortablement installé que les musiciens échevelés sur scène.

Bref, à écouter sil passe près de chez vous ! Jai préféré profiter du concert plutôt que de filmer, alors voyez ici cette vidéo Youtube du morceau intitulé Dreaming:



lundi 20 juin 2011

La Zoélette est dans la place !

Au hasard de vos déambulations dans Berlin, alors que vous négociez votre parcours au milieu des milliers de cyclistes qui filent en trombe sur le pavé irrégulier de la Bundeshauptstadt, vous allez peut-être croiser un bien étrange attelage, plus singulier encore que les nombreux ORNIs (objets roulants non identifiés) et autres déjantés du cyclo-tuning qui paradent anarchiquement dans nos rues, un attelage disais-je, constitué d’une bicyclette aménagée de manière à accueillir un passager à l’avant qui peut fait semblant de pédaler (c’est un “tandem Pino” pour les spécialistes, et je sais que mes lectrices y connaissent un rayon en matière de vélo), d’une carriole bébé à l’arrière, et d’une douzaine de sacs qui dépassent de tous les côtés. Je les ai filmés sur la Karl-Marx-Allee, tout en pédalant devant eux, et je dois avouer que je ne suis pas mécontent de mes acrobaties sur ce coup. Quand on est intégré à Berlin, on ne fait plus quun avec son vélo, c’est la symbiose parfaite. Prochaine étape : faire la sieste sur ma fidèle monture. Mais reprenons plutôt le cours de notre histoire. 



Juchés sur leur inhabituel véhicule, trois intrépides voyageurs roulent à vive allure malgré les kilos de lest. Ils ont les mollets saillants des sportifs accomplis, le teint bronzé des routards aguerris, le visage souriant de ces veinards qui ont pris de longues vacances pour profiter de la vie. Anne-Sophie, Julien et la petite Zoélie sont une jeune famille originaire de la petite ville de Marvejols, dans le Gévaudan. Zoélie na que deux ans, mont-ils dit; Anne-Sophie et Julien, «cinquante-cinq ans à eux deux», à en croire leur blog, La Zoélette. Ils en sont partis le 5 mars dernier de la Lozère, pour un périple de six mois à travers l'Europe, qui les a emmenés à travers lItalie, la Slovénie, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne. Ils ont vu du pays, rencontré une foultitude de gens, planté leur tente où ils le pouvaient, eu bien froid au début de leur voyage, eu chaud sur les routes ensoleillées de Pologne, appris plein de mots barbares en hongrois et en slovaque, et se sont plus ou moins incrustés à un mariage polonais. Après avoir vu Auschwitz, puis la mer Baltique et Gdańsk, les voilà qui reviennent lentement vers la France, mais, arrivés à Berlin où je les ai interceptés, il leur reste encore bien plus de 2000 km à pédaler avant qu'ils ne regagnent leurs pénates, d’autant plus qu’ils veulent faire un détour par l’autre capitale du vélo, Amsterdam.

La famille d'aventuriers attend au feu rouge, sur fond d'architecture "DDR" à Strausberger Platz.
La petite Zoélie n'a pas voulu montrer sa frimousse à la caméra.

Je n’ai pas grand chose de plus à dire sur nos aventuriers. J’étais en train de me hâter pour ne pas arriver trop en retard au beach-volley, malgré le temps fort peu clément de ce dimanche, et j’ai décidé de prendre malgré tout quelques minutes pour faire la connaissance de ces voyageurs peu banals. Eux cherchaient un “office du tourisme”, et j’étais bien incapable de leur dire où ils pourraient trouver ça... je les ai dirigés vers Unter den Linden, peut-être y a-t-il quelque chose là-bas ? Un petit film sur la Karl-Marx-Allee, que j’ai bien vite arrêté à cause des rafales de vent qui me déséquilibraient, deux photos à Strausberger Platz, dont décidément il est souvent question dans ce blog, de trop brèves présentations, quelques encouragements, et nous nous quittions déjà. Du coup, je suis arrivé encore plus en retard, mais cela en a valu la peine.

Cétait une brève rencontre, mais un de ces courts moments qui nous donnent cette impression quon a bien fait de mettre le nez dehors et d’affronter le monde aujourd'hui, un de ces instants qui, en quelques minutes, nous donnent la certitude que nous navons pas perdu notre journée.

Bonne chance et bon vent à nos trois explorateurs !

Le Fernsehturm s'invite toujours dans mes photos ! Je ne sais pas comment il fait mais il est toujours là.

samedi 18 juin 2011

Mauvaise passe pour les cucurbitacées


L’épidémie de ce que les Allemands nomment “EHEC” (rien à voir avec une école de commerce pourtant) se poursuit, mais les premiers suspects, les concombres, après avoir été injustement accusés dêtre des assassins, après avoir couverts d’opprobre et semé la panique, sont désormais entièrement hors de cause et ont retrouvé leurs lettres de noblesse. Et Dieu sait si cest noble, un concombre.


Lena, 8 ans, peut à nouveau se mettre tout
plein de rondelles de concombre sur le
visage et faire comme Maman.
Ravis, les Teutonnes et les Teutons peuvent à nouveau sen donner à cœur joie, se goinfrer de Gurken et sen étaler plein la figure si bon leur semble. De mon côté, je suis fort marri, car je préparais un recueil de proverbes rigolos en hommage au légume serial killer, comme par exemple : «Qui croque un concombre monte au ciel sans encombre». Le recueil est désormais condamné à ramasser de la poussière virtuelle dans les tiroirs non moins virtuels des Chroniques Berliniquaises, jusquau jour où les cucurbitacées seront à nouveau prises de folie meurtrière. Patience donc.

Pourtant, alors que les cucumis sativus se sont refait une virginité en terre allemande, non sans avoir ruiné les pauvres agriculteurs espagnols au passage, la réputation des cucurbitacées en général  pâtit considérablement dune autre affaire, un scandale de faux diplômes qui éclabousse moult courges et cornichons, en particulier dans le monde de la politique. Vous ne voyez pas à quoi riment ces élucubrations? C’est pourtant clair et net : alors quen France, de sordides affaires de viol ou de harcèlement font tomber les politiciens les uns après les autres, en Allemagne, les grosses légumes (hé-hé) sont salies en masse par des accusations de plagiat de leur thèse de doctorat, et les Universités, furieuses davoir été ainsi roulées dans la farine, sévissent sans pitié et retirent à tour de bras les titres de docteur mal acquis. (Ouf! Jai réussi à faire le lien entre les deux... La première qui dit capillotracté, je lui offre un abonnement dun an à Playboy et un recueil des meilleures pubs Axe de la décennie). 


Ainsi, après le psychodrame Guttenberg en février dernier, la machine à faire tomber les faux doctorats sest emballée et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

M. Pröfrock
Cornichon diplômé ET tête à
claques : Matthias Pröfrock,
tout juste... 34 ans (gloups !)
Côté cornichons, le baron contrit a été rejoint dans l’infamie par l’eurodéputé Jorgo Chatzimarkakis et le député au Bundestag Bijan Djir-Sarai, FDP tous les deux, sur lesquels pèsent de lourds soupçons qui ont poussé les universités de Bonn et de Cologne à enquêter. L’enquête est encore en cours. Reste donc à voir si les cornichons conserveront leurs titres. Rien n’est moins sûr, en particulier pour Dr Chatzimarkakis, dont plus de 70% de la thèse semblent être du copié collé, selon les dernières accusations. Matthias Pröfrock, le (plus ou moins) jeune député CDU au parlement régional de Bade-Württemberg, a fait un pas vers l’irrémédiable capitulation : il a “temporairement” renoncé à utiliser son titre de docteur, mais sûrement pas celui de cornichon, en attendant que l’université de Tübingen fasse la lumière sur les accusations de plagiat affectant plus de la moitié de sa thèse sur la “Sécurité des approvisionnements énergétiques en droit européen”. Avant même que le verdict ne tombe, Pröfrock a donc choisi de baisser son froc plutôt que de faire de la provoc’, serait-on tenté d’en conclure.

Côté courges, laffaire est déjà pliée. Il y a eu Veronica Sass (ou plus exactement, Saß), une Bavaroise de 33 ans qui n’intéresserait probablement personne si elle n’était pas la fille du très influent et controversé Edmund Stoiber, ancien Ministerpräsident de Bavière et lun des mentors du baron von und zu Guttenberg (CSU donc). À la mi-mai, luniversité de Constance a annulé son titre de docteur, après avoir identifié au moins 40 pages copiées mot pour mot et non attribuées dans sa thèse, soit entre un quart et la moitié du contenu. La courge Sass nie encore avec véhémence le crime odieux dont on laccuse, mais plus personne ne prête désormais attention à ses dénégations indignées. Et cette semaine, cest au tour de la nettement plus célèbre Silvana Koch-Mehrin (FDP) de perdre son diplôme, après deux mois de suspense, denquête minutieuse et de révélations calamiteuses, aussi ignominieusement quun Dreyfus perdant ses galons dans la cour de lÉcole militaire, sauf que dans ce cas, elle la tout de même bien cherché. La prestigieuse université d’Heidelberg est formelle: plus du tiers du contenu de la thèse de Mme Koch-Mehrin, portant sur l’Union Monétaire Latine du XIXème siècle, a froidement été pillé ailleurs. Et si elle continue de nier les faits, elle a malgré tout démissionné de toutes ses fonctions sauf de son mandat d’eurodéputée. C’est que la courge est menteuse, et du moins, nettement plus combative que le cornichon, c’est indéniable. 


Ange déchu : Silvana Koch-Mehrin
Quoi ? Vous ne connaissez pas Silvana Koch-Mehrin ? Cest pourtant une députée européenne depuis 2004, et elle a même été vice-présidente du Parlement européen de 2009 jusqu’à sa démission il y a quelques semaines. Et puis, sérieux, si rien de tout ceci ne vous intéresse, alors sachez tout de même que c’est surtout l’un des plus jolis minois de la politique allemande, quoi! Cela mérite d'être souligné. Si la France chouchoute sa “NKM”, eh bien l’Allemagne avait jusqu’ici sa “SKM”. Quelle tristesse! Une seule conclusion simpose: la belle princesse courge a perdu son diadème, et son carrosse s’est transformé en... citrouille.

Mais comment expliquer une telle vague de révélations, ces dominos politiques qui tombent les uns après les autres ? C’est très simple: au plus fort de l’affaire Guttenberg, des centaines d’internautes anonymes avaient uni leurs efforts pour faire éclater la vérité au grand jour, et avaient créé un wiki spécialement dédié afin d’identifier les sources non citées dans sa dissertation, le fort justement nommé GuttenPlag Wiki. L’ennui, c’est qu’une fois l’objectif atteint, ces petits Robespierre du Net se sont sentis quelque peu désœuvrés et en mal de têtes à faire tomber. L’odeur du sang, c’est indéniablement grisant. Ainsi, au lieu d’utiliser leur temps à des activités saines et intelligentes, comme par exemple, je sais pas moi, trouver un boulot, écrire un blog, ou peut-être les deux, ils ont décidé de poursuivre leur mission sacrée et de passer au peigne fin les thèses de doctorat récentes des politiciens (principalement de droite). Le VroniPlag Wiki était né, les accusations ont commencé à fuser dans tous les sens, semant la panique dans les Parlements. Les libéraux du FDP sont les plus durement touchés, puis la CDU-CSU de Merkel. La droite paye donc, pour l’instant, le plus lourd tribut à cette initiative populaire, qui est peut-être quelque peu biaisée. Soit dit en passant, peut-être les internautes français devrait-ils en prendre de la graine et prendre les choses en main pour collectionner les preuves contre nos divers politiciens qui échappent si souvent aux condamnations... quelques wikis ne seraient pas de trop chez nous, comme par exemple un PasquaAngola Wiki ou un BalladurPakiWiki. Mais passons.

Le FDP, c’est sûr, n’est pas un parti politique qui me fait rêver. Mais s’attaquer ainsi à SKM? Pourquoi tant de haine? Sa carrière est maintenant brisée. Alors, avant qu’elle ne disparaisse entièrement des feux de la rampe et ne sombre dans l’anonymat abject où nous autres gueux croupissons, rendons-lui un dernier hommage et souhaitons-lui une bonne reconversion. À 40 ans passés, il est peut-être trop tard pour tenter de repartir de zéro dans Germany’s Next Top Model, et puis franchement, ce serait cruel de l’obliger à se coltiner les vociférations humiliantes de cette gorgone de Heidi Klum après une telle épreuve. Une suggestion pour son nouvel emploi un peu plus reposant: planter des légumes bio en Basse-Saxe. L’agriculture allemande, dont la crédibilité sombre encore plus vite que celle des politiciens du FDP, a bien besoin d’un renfort de courges et de cornichons diplômés pour repartir sur des bases saines.

SKM a grandi en Allemagne, au Maroc
et au Soudan.
À bientôt 41 ans, elle vit avec un avocat
irlandais...
... avec qui elle a eu trois filles (que nous avons hâte de connaître, d'ailleurs).
Elle rejoint donc Heidi Klum dans la catégorie des "MILF" les plus en vue du pays.

Des jours heureux aujourd'hui bien lointains pour le FDP : Silvana Koch-Mehrin et Guido Westerwelle, l'ancien président du parti et actuel  ministre des Affaires étrangères, lui aussi en proie à pas mal d'ennuis (mais au moins, aucun soupçon de plagiat... c'est déjà ça).


Le libéralisme économique du FDP n'a jamais été au goût du jour,
dans une Allemagne nourrie de traditions sociales-démocrates,
n'est-ce pas, Docteur Koch-Mehrin ?
Lorsque Silvana Koch-Mehrin veut se changer les idées et faire autre chose que de la politique, elle se pare de ses pendentifs favoris et fait tourner les platines jusqu'au petit matin dans les grandes discothèques berlinoises en tant que "DJ SKM", ici au Tresor, le temple de la techno qui te fait mal à tes oreilles.


Sinon, elle se vêt de ses robes de princesse et reçoit des trophées en forme de Bambi.
C'est le prix des plus beaux yeux de biche en politique.
Dame Silvana, il est bientôt minuit : prenez garde à votre carrosse !

mercredi 15 juin 2011

Papy fait de la résistance (à la justice)

Les lectrices informées que vous êtes, en plus d'avoir une taille de guêpe, n'ont pas manqué d'entendre parler de l'arrestation d'un dangereux criminel présumé après des années de cavale, un certain Ратко Младић (je trouve ça rigolo le cyrillique mais en vrai il s'appelle Ratko Mladić), sur qui pèsent des soupçons de massacres de civils innocents lors du siège sanglant et sadique de Sarajevo, et qui est accusé d'avoir ordonné la mise à mort de plusieurs milliers d'hommes désarmés, jeunes et vieux, valides comme infirmes, à Srebrenica. L'über-salaud en quelque sorte (la fine gâchette qui a tué la mère de Bambi, c'était encore lui!), une espèce de Ben Laden mais sans le sens du style vestimentaire, sans ce côté Iznogoud, la barbe rebelle au menton et le turban loufoque sur la tête. Un sinistre assassin qui n'a même pas un look perso immédiatement identifiable, ça fait passablement amateur, car tout le monde sait que les vrais serial-killers psychopathes se doivent de cultiver un look original, surtout lorsqu'ils se mêlent de politique, pour faciliter le culte de la personnalité. Malgré cet amateurisme évident, je suis sûr qu'encore aujourd'hui, et peut-être pour très longtemps encore, les mamans bosniaques, lorsqu'elles sont à cours de moyens pour discipliner leurs marmots turbulents, dégainent l'artillerie lourde et des «Si tu ne finis pas ta soupe de ćevapčići, Goran, on t'envoie demain en vacances chez Ratko Mladić!», une menace qui doit suffire à apprendre l'obéissance aux plus roués des garnements dans tous les Balkans.

Mladic superstar (photo: justice.blog.lemonde.fr)
Je ne dirai rien sur le fait que cet homme ait pu vivre en Serbie pendant plus de quinze ans avant d'être capturé dans un village paisible de 3000 âmes, à 80 km de Belgrade, je n'ai pas suivi la traque. Ce qui est remarquable, c'est que cinq jours après son arrestation, le croque-mitaine du peuple bosniaque était promptement envoyé aux Pays-Bas pour être jugé au Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, malgré ses véhémentes protestations, que l'on peut résumer ainsi : «C'est pas nous qu'on les a tués, ces enfoirés de muslims, ils se sont eux-mêmes jetés sur nos balles pour saboter nos exercices de tir à proximité de leur bled qui pue, et ils sont morts, ces cons ; et puis pour la mère de Bambi, j'ai mon permis de chasse en règle monsieur le Juge». On verra comment le tribunal jugera de la recevabilité de ces arguments. Ah, je ne vous avais pas dit? Aujourd'hui, c'est mercredi prise de tête sur ce blog...

Une famille heureuse avant sa rencontre fatale avec Mladic...
Donc, si on ne sait pas comment diable la Serbie a mis si longtemps à mettre la main au collet au criminel de guerre (présumé - respectons sa présomption d'innocence!) le plus recherché en Europe depuis des décennies, on ne peut néanmoins que se réjouir de la diligence avec laquelle il a été extradé pour répondre de ses crimes (présumés). Il faut dire qu'elle n'a pas vraiment le choix, la pauvre Serbie : démembrée et exsangue, bombardée et marginalisée, elle a compris qu'elle a tout intérêt à obéir aux sommations de ses puissants voisins si elle veut un jour retrouver sa place parmi les nations européennes fréquentables, et peut-être, peut-être, un jour devenir membre de l'UE, même si la route est longue.

Pourtant, dans la même UE, il est une nation tout à fait fréquentable, un membre fondateur de la CEE en réalité, qui s'en fiche royalement d'extrader ses criminels de guerre et de les livrer à la justice : l'Allemagne. Il est vrai que les affreux jojos qu'elle protège des foudres de la loi ne sont pas accusés de crimes aussi monstrueux que l'assassinat de la mère de Bambi, mais quand même... Il y a quelques mois, je faisais dans un billet une très courte allusion au SS Martin Sandberger, qui s'est paisiblement éteint à Stuttgart l'an dernier, à 98 ans, après cinquante ans d'une vie bien tranquille qui n'a guère été troublée par les ouvertures des archives détaillant ses crimes en Estonie, comme le résume fort bien cet article. Soit, soit, alors comment disais-je, déjà, à l'époque?
Ces derniers affreux d'un autre âge, qui n'ont pas eu le bon goût de trépasser pendant toutes ces décennies de bonheur amnésique, sont devenus des symboles un tantinet encombrants d'une époque révolue, et expient enfin leurs fautes et celles de feu leurs compagnons tortionnaires. Ha! C'est bien fait pour leur sale gueule. Z'avaient qu'à être plus futés et passer l'arme à gauche dignement et surtout discrètement, avant que le vent ne tourne (...)
Mon voisin le tueur, dans une
rue tranquille d'Ingolstadt,
en Bavière
Beaucoup blabla, comme à mon habitude, pour dire, en substance, que les Allemands sont devenus sympas et jugent et condamnent enfin les vieillards séniles qui furent nazis il y a 70 ans de cela. Eh bien, je me trompais grossièrement. L'histoire qui m'a fait bondir de mon confortable fauteuil vintage DDR dans mon salon de bobo, c'est l'affaire Faber. Klaas Carel Faber est un sacré loulou à peine connu des médias français à part L'Express. Pourtant, l'affaire n'est pas nouvelle : un nazi condamné à la perpétuité s'échappe d'une prison hollandaise en 1952, se réfugie en RFA et fait son trou en Bavière, dans la ville d'Ingolstadt. Il est assez vite localisé, et les Pays-Bas demandent dès 1954 à la RFA de bien vouloir livrer Herr Faber à la justice hollandaise afin qu'il purge sa peine de prison. L'Allemagne décline, arguant que le sieur Faber est un citoyen allemand et qu'elle n'extrade pas ses citoyens. Soit, soit. C'est moche, mais c'est comme ça, et l'Allemagne n'est pas le seul pays dans ce cas, loin s'en faut. Mais alors, là où le bas blesse, oui, j'ai bien dit le bas, car je porte des leggings abrasifs en laine de verre et ils me blessent parfois, en revanche, je ne porte pas de bât car je ne suis pas un âne ; là où le bas blesse, disais-je, c'est qu'un vif esprit tel que le vôtre, chers Lectrices, ne pourra s'empêcher de remarquer que Klaas Carel, ça ne fait pas très allemand, non? Eh oui, dans le mille! Klaas Carel Faber, 89 ans, est hollandais et a commis des crimes aux Pays-Bas, comme entre autres, fusiller par dizaines des prisonniers au camp de Westerbork, par lequel la famille d'Anne Frank a transité dans son voyage sans retour vers Bergen-Belsen, Theresienstadt et Auschwitz. Il a été reconnu coupable de ces crimes par la justice de son pays après la guerre, et condamné à mort, puis à la prison à perpétuité, toujours aux Pays-Bas. Ce n'est qu'après s'être échappé de prison et enfui en RFA, que M. Faber a obtenu la nationalité allemande... en vertu d'un décret sympatoche d'Hitler de 1943 qui accordait la nationalité allemande aux étrangers ayant servi chez les SS, et qui n'était pas encore abrogé plusieurs années après la guerre. C'est tellement beau ces petites clauses méconnues du droit du sang à l'allemande. Avis aux amateurs qui galèrent pour se faire naturaliser : un uniforme, une arme, un meurtre (ou cinquante, ou mille), et l'affaire est jouée! Notons au passage que les États-Unis, l'un des nombreux pays qui n'extradent pas leurs ressortissants, n'ont pas hésité, sans que l'idée ne leur soit suggérée par Hortefeux ou quelque autre membre de l'UMP, à déchoir John Demjanjuk de sa nationalité américaine, afin qu'il soit extradé... vers Munich et y être jugé, sur la foi de preuves bien plus minces. When there's a will, there's a way, n'est-ce pas. Mais peut-être est-ce précisément la volonté, ce qui manque à la justice bavaroise.

Nazi un jour, nazi toujours, Herr Faber.
J'avais vaguement envie de parler de cette histoire lorsque les médias ont timidement évoqué, il y a un mois, l'ultime fin de non recevoir que la Bavière a opposée aux Pays-Bas après trois demandes infructueuses dont un mandat d'arrêt, sur le cas Faber, qui restera libre et mourra tranquillement en Allemagne, sans être inquiété davantage. Ce sont l'arrestation et l'extradition éclair de Mladić par la Serbie qui m'ont décidé. On a d'un côté un petit pays qui était encore une dictature semi-fasciste en guerre il y a dix ans à peine, et qui donne des gages au monde pour que justice soit rendue. On imagine pourtant l'humiliation que cela doit représenter pour une grande partie de la population serbe, au nationalisme encore exacerbé, et chez qui les rancœurs de la défaite sont encore à vif. Et de l'autre côté, on a la Bavière qui protège sans vergogne des nazis étrangers ayant acquis la nationalité allemande pour services rendus aux SS, et roule tranquillement sur les corps des victimes de ce régime totalitaire.


Je trouve cette histoire monstrueuse, c'est une vraie honte pour l'Allemagne. Il était temps que je parle de cette tragédie qui me donne des hauts-le-cœur depuis des semaines. Qui sait, peut-être que le ministre bavarois de la Justice et de la Réhabilitation du Nazisme lit Les Chroniques Berliniquaises. Et il se décidera dans la foulée à cesser d'être complice de la barbarie fasciste. Ou pas.


Papy facho: dîner élégant chez un juge bavarois

lundi 13 juin 2011

Si tu ne vas pas à Rio...



Karneval der Kulturen 2009: Photo empruntée 
à une amie sur Facebook. Heureusement elle ne lit pas ce blog...
«Si tu vas à Rio, conseille un refrain passablement irritant, n'oublie pas ton plus beau chapeau». Ah non, on me souffle à l'oreillette que c'est «n'oublie pas de monter là-haut». Diantre, j'ai toujours dit n'oublie pas ton plus beau chapeau, sans me rendre compte que j'étais à côté de la plaque. Oui, un air qui n'est pas vraiment de ma génération donc. Bref, reprenons.  Mais si tu ne vas pas à Rio, que fais-tu? Eh bien si tu n'y vas pas, soit parce que ça coûte cher, soit parce que tu as été traumatisé par l'accident du vol AF447, ou encore parce que la demi-sœur du voisin de ton collègue s'est fait agresser et dévaliser à Ipanema, ou quelle que soit ta (mauvaise) raison de ne pas y aller, tu peux aussi venir à Berlin pendant le weekend de la Pentecôte et y faire l'expérience, comme chaque année, du Karneval der Kulturen, et c'est Rio qui vient à toi. Et aussi Kingston. Et Bridgetown. Et Fort-de-France.

Le char du bar Yaam descend la Gneisenaustraße, juin 2011
Contrairement aux grandes villes de l'ouest et du sud de l'Allemagne comme par exemple Cologne, Berlin n'a pas de tradition du carnaval, ou alors l'a perdue depuis si longtemps que plus personne ne s'en souvient. C'est d'ailleurs pourquoi les Berlinois ont tendance à se fagoter comme s'ils étaient déguisés en permanence: il leur manque un carnaval pour assouvir leur besoin de porter de temps en temps des accoutrements ridicules, un besoin fondamental et un droit inaliénable de la personne humaine on dirait. Mais je m'égare une fois de plus. Le Carnaval berlinois est donc le fruit d'une initiative très récente, et le résultat de la féconde collaboration entre le Berliner Senat et de nombreuses associations locales, dans le but de promouvoir le dialogue entre les cultures de cette capitale qui se veut et se vit comme multi-kulti, même si la diversité culturelle de la capitale prussienne n'est pas forcément ce qui interpelle au premier chef le visiteur arrivé de Paris, de Londres ou de New York.

Nie wieder Diktatur - Plus jamais la dictature, non, plus jamais.
Le char d'une association Tunisienne défile pour la liberté, entouré
de pancartes disant Dégage! (en français) au despote déchu . 
Si les débuts, dans les années 1990, furent très modestes, la constance du soutien des autorités locales, l'implication grandissante des médias, le dynamisme des associations, et bien entendu l'engouement des Berlinois pour tout ce qui est festif et en plein air, sans parler de l'argument ultra-vendeur de milliers de demoiselles défilant dans des tenues affriolantes, qui se déhanchent lascivement (et Dieu sait si c'est rare, à Berlin) sous les yeux du public ravi et battent la mesure de rythmes venus d'ailleurs, le Carnaval des Cultures est vite devenu un événement majeur du calendrier des réjouissances de la ville, qui attire environ un million de visiteurs chaque année, du moins en fonction de la météo, dans les rues du quartier multi-kulti par excellence, Kreuzberg, une espèce de Brooklyn teuto-turc en quelque sorte, mais oui mais oui, rien de moins.

Trinidad and Tobago présente : les T'n'T Masqueraders !
J'ai du mal à me rappeler exactement pourquoi j'ai si peu profité du Karneval der Kulturen les années passées. Voyages, visiteurs, autres choses au programme, je ne sais vraiment plus. Plus ce sentiment diffus que dix pèlerins sur un char en train de se trémousser à contre-temps sur un rythme de pseudo-samba, ça ne casserait pas trois pattes à un canard de toute façon. Le spectacle que j'ai vu cette année, pour la 17ème édition, m'a fait regretter de ne pas m'être déplacé ces dernières années. Pendant deux jours les rues de Kreuzbronx sont envahies de musiciens venus de partout, des podiums sont installés sur les carrefours, et le dimanche, un immense défilé coloré s'étire sur plusieurs kilomètres. Près de cent chars numérotés et soigneusement décorés se succèdent, avec de leur propre thème, servent généralement de refuge à une étrange faune à plumes, et bombardent le public de cadences tropicales.

Danseuses accompagnant le Caribbean Heatwave
Le Martiniquais que je suis s'est pris au jeu de bon cœur: le Karneval der Kulturen n'est pas une pâle copie sans génie à l'européenne, mais un vrai carnaval comme on le fête dans la Caraïbe, où l'on “s'envoie monter” (attention, voyé monté ça veut juste dire “s'éclater” aux Antilles) au rythme de la soca, et où les danseuses, câpresses, négresses et mulâtresses, ne s'encombrent guère de vêtements superflus et préfèrent s'orner de paillettes et de plumes colorées. Je ne sais toujours pas d'où viennent tous ces Trinidadiens, tous ces Jamaïcains, tous ces Barbadiens qui dansaient dans les rues:  je croise rarement des Africains à Berlin, et des Antillais, presque jamais. Peut-être ont-ils fait le déplacement depuis d'autres villes d'Europe. Alors,  après avoir photographié copieusement le char “Caribbean Heatwave” (aux couleurs de Trinidad) et laissé la musique vibrer dans tout mon corps, j'ai fait un grand sourire à la femme de la photo ci-contre et je lui ai dit, avec une joie fervente “I'm from Martinique!”, pensant que cette révélation allait sûrement l'émouvoir aux larmes et me valoir peut-être une parole amicale, voire une invitation à monter à bord pour fraterniser avec toute la joyeuse troupe d'îliens déracinés. Certes, elle a répété cette nouvelle absolument renversante à sa plantureuse voisine, et puis les deux m'ont gentiment salué de la main et ont poursuivi leur défilé sans plus prêter attention à ce weirdo qui les a interpellées sans raison... Mais qu'importe, je n'étais pas là pour me faire de nouveaux amis de toute façon.

La grande discothèque électro Tresor était là pour rappeler qu'on
était à Berlin, pas à Kingston quand même, hein.
Néanmoins, le Carnaval des Cultures n'est pas uniquement un festival caribéen, mais une fête de toutes les cultures around ze world. De nombreux groupes et chars africains étaient présents, j'ai vu passer un char coréen aux percussions étonnamment endiablées (ils ont des Antillais en Corée?), des Hongrois moustachus avec leurs cavalières en tenue traditionnelle, et puis en fait toutes sortes de groupes hétéroclites dont on pourrait légitimement se demander s'ils ont vraiment un rapport avec le thème: des capoeiristes, des clubs de rap des quartiers, des artisans de das Handwerk, des groupes sans thème précis mais défilant en rollers, un groupe de Palestiniens furieux en keffiehs, etc. Mais ce n'était ni l'heure, ni le lieu, pour se comporter en puriste : l'heure était à la fête et au dialogue entre les cultures, quelles qu'elles soient, alors va pour les rappeurs des cités et pour les Palestiniens énervés. Et puis, Berlin oblige, il y avait tout de même plusieurs chars de musique électro, parce que vous voyez, toutes ces musiques bizarres avec un rythme stable, des paroles intelligibles et que l'on danse sans même prendre de drogues, ça va cinq minutes non mais.

Le rythme soca du char Caribbean Heatwave

Bref, du soleil, des déguisement, des plumes, des paillettes, une foule colorée, pas trop d'alcool, et de la musique de qualité et variée: le meilleur carnaval d'Allemagne, il n'est certes pas à Cologne, mais bel et bien à Berlin! Les 270.000 euros de subventions du Berliner Senat ont été judicieusement dépensés...

Karneval der Kulturen, 2009. Encore une photo empruntée... Oui, Berlin reste la capitale des gens bizarres.


Karneval der Kulturen, 2011. Une autre photo empruntée à un autre ami Facebook.
De toute évidence, le Caribbean Heatwave était une alliance trinidado-barbadienne.
Une reine salue la foule d'un geste majestueux.
Des vahinés chiliennes (de l'île de Pâques peut-être ?)
Un hipster Berlinois trop coooool dans les rues de Kreuzbronx.

dimanche 5 juin 2011

Beauté de Berlin : la Spree couleur de feu

La sécheresse assoiffe cruellement notre belle France, et l'Allemagne sa voisine, alanguie de chaleur, vient de connaître son printemps le plus sec et le plus ensoleillé depuis le début des relevés à la fin du XIXème siècle. Le citadin berlinois, pour peu qu'il prenne bien soin de ses plantes sur le balcon (deux jours d'inattention et c'est le carnage !) et dès lors qu'il s'acquitte d'une pensée compatissante pour les pauvres agriculteurs qui souffrent, il n'a pas à se plaindre de ce beau début d'été, sec et muy caliente.

Si l'on me demande quelle période de l'année je préfère à Berlin, je réponds sans hésiter : le mois de juin bien sûr ! Au bureau, rares sont ceux qui ont vraiment la tête au travail. Les heures de la journée s'égrènent dans une torpeur ensoleillée qui n'a rien à envier à la douceur de vivre méditerranéenne ; et après s'être gorgé l'épiderme d'ultra-violets, l'on se réfugie volontiers à l'ombre des tilleuls qui nous aspergent délicatement de leur mystérieuse sève gluante, presque comme les brumisateurs des terrasses parisiennes, mais en version 100% naturelle cette fois. Et en parlant des heures de la journée, comme elles sont nombreuses ! Les noctambules qui dansent “jusqu'à l'aube” voient arriver cette dernière dès 3h30 du matin, ce qui tout de même rend la performance un tantinet moins impressionnante. Le soir, c'est le moment d'admirer les plus beaux couchers de soleil de l'année sur la Spree, puisqu'il finit sa course, à cette période, dans l'axe du fleuve, du moins si on l'observe depuis les quartiers en amont du centre (comme Kreuzberg, Friedrichshain ou Treptow). Les rougeoiements de la Spree sont le prélude à l'interminable crépuscule estival, qui s'étire et se prolonge à n'en plus finir, bleu et clair, tantôt tiède et indolent, tantôt bien plus frais et indéniablement “nordique”. Malheur à l'imprudent qui s'est laissé duper par la chaleur diurne et s'est risqué à sortir sans sa veste pour la soirée!

J'ai tant de choses à raconter sur ce blog que je suis sûr que beaucoup de projets d'articles resteront en l'état, mais pour mon 100ème billet aux Chroniques (oui, le 100ème !), faisons une pause pleine de beauté et de sérénité. Mes lectrices les plus attentives auront fini par comprendre que j'adore passer mes soirées à admirer le coucher du soleil, et il n'y a pas à dire, à Berlin je suis gâté. Et lorsque la Spree resplendit et reflète la chaude lumière du couchant, je suis loin d'être le seul qui interrompe sa course à vélo pour s'imprégner du spectacle et en prendre quelques photos souvenirs. Je suis en retard, comme toujours, mais mes amis attendront bien cinq minutes de plus...

Samedi 28 mai à 20h20 - Vu de la Spree depuis l'Elsenbrücke entre les quartiers est-berlinois de Friedrichshain et Treptow. L'étrange sculpture que l'on voit s'appelle Molecule Man, et les trous font peut-être partie de l'oeuvre, mais servent surtout à ce que la sculpture monumentale résiste au vent !

Samedi 28 mai à 20h22 - Croisière crépusculaire et tentative de zoom sur le Molecule Man. Bon c'est plutôt loupé.

Le mercredi 1er juin à 21h12 - Un peu en aval, sur l'Oberbaumbrücke, entre Kreuzberg (ouest) et Friedrichshain (est)

Au même moment, avec un zoom un peu plus puissant

mercredi 1 juin 2011

Une chambre d’hôtel - Un lit - Du gel douche... Eurêka !

Le moins que lon puisse dire, c'est que les pubs allemandes sont loin dêtre les meilleures qui soient. Humour douteux, messages archi-usés, photos peu convaincantes, clichés sexistes ou autres, sans parler de quelques perles qui surgissent parfois, comme ici où lon vante des gâteaux Schoko-Vanille avec la photo d'un beau bébé noir, non pas en 1954 mais il y a tout juste deux mois... Beurk. Pour mémoire, je vous donnais deux exemples il y a quelques mois, ici et . Et voilà que depuis quelques semaines, deux campagnes publicitaires qui n'ont absolument rien à voir lune avec lautre se télescopent curieusement sur les murs de Berlin (*). Les deux exploitent sans le moindre état dâme un corps de femme pour vendre des produits sans lien particulier avec lérotisme de l'accroche visuelle, ce qui en soi na rien de remarquable. Des gonzesses dans des poses suggestives pour vendre tout et nimporte quoi, ce nest certes pas la nouveauté de lannée. La coïncidence devient intéressante car les deux slogans publicitaires usent exactement de la même antithèse olé-olé : le message acquiert toute sa force (ou pas) dans le choc sémantique titanesque entre les mots schmutzig, cest-à-dire “sale” et sauber (“propre”).

Voyez plutôt avec la première campagne. Le site HRS, portail de réservation de chambres dhôtel, nous assène avec aplomb , dans des campagnes daffichage ambitieuses dans les grandes gares et les halls daéroports : “cest dans les lits les plus propres quon assouvit les fantasmes les plus sales (crades)”. Mais oui mais oui, ça cest le génie publicitaire allemand dans toute sa splendeur : une blonde (la présentatrice Sonya Kraus, potiche de service dans les versions allemandes de La Roue de la Fortune et de Fort Boyard, eh ouais !), un œil lascif presque bovin, un décolleté affolant, une robe de satin, un talon-aiguille en arrière-plan, un jeu de mots foireux, et le tour est joué ! Vous tenez votre campagne de pub. Allez, encore quelques cours de langue et je pourrai moi aussi monter mon agence, le boulot nest pas sorcier.

La deuxième affiche est l’œuvre des publicitaires de la marque de gel douche Axe, également notoire en France pour ses campagnes de pub où l'idée-force se résume ainsi : “Savonnez-vous au gel Axe et instantanément toutes les nymphos du quartier tomberont en pâmoison devant vos pores virilement purifiés”. En Allemagne, le message est du même acabit, mais avec des pubs encore plus nulles, et le dernier éclair surgi tout droit des cerveaux de ces talentueux publicitaires est une affiche qui nous dit “Plus t'es propre, plus ça vire au gros sale”. Haha. Pour les plus longs à la détente d'entre nous, la photo de la bimbo au regard lubrique et dont le maillot de bain vient juste d'exploser sous la pression de ses seins, lève les derniers doutes, histoire qu'on ne comprenne pas tout de travers et qu'on ne se mette pas en tête qu'ils voulaient nous dire que les gels douche Axe nous salissent à mesure qu'on les utilise ou quelque conclusion tout à fait plausible mais à côté de la plaque de ce genre. Les chefs de produit ont bien eu raison de tuer dans l'œuf  toute ambiguïté possible, car il faut que l'argument soit clair comme l'eau du bain pour être plus percutant.

Bref, des blondes dénudées, de l'érotisme cheap, et des messages publicitaires nuls et sans originalité. Rien que du normal pour le consommateur blasé de toutes ces niaiseries. Où veux-je donc en venir, vous demandez-vous, n'est-ce pas ? M'enfin, la réponse crève les yeux ! Vous ne voyez pas ? Alors, on reprend : du savon et une douche, une chambre d'hôtel, des draps propres et des fantasmes inavouables, le tout souligné par un message d'une extraordinaire platitude... Mais oui, DSK, encore lui ! Toute la clé de l'énigme de la suite 2806 est révélée, sous nos yeux qui refusent d'admettre l'évidence, par deux pubs allemandes qui n'ont en apparence rien à voir l'une avec l'autre, et que l'on avait jugées un peu vite comme indignes de notre intérêt... De toute évidence, il y a un message caché, et de là à penser que ces affiches ont été diffusées à dessein par une société secrète judéo-maçonnique dont le but est de prouver au monde entier l'innocence de Dominique Strauss-Kahn, il n'y a qu'un pas que je franchis hic et nunc. Le postulat est le suivant : l'ancien chef du FMI a tout simplement été victime de son gel douche et du cadre  fantasmogène qu'est la chambre d'hôtel. La vérité s'impose d'elle-même, selon un scénario limpide :  la femme de chambre entre dans la suite, passe un coup de plumeau par ci, un coup d'éponge par là et, geste fatal, change les parures de lit, qu'elle remplace par des draps propres. À ce moment précis, ironie cruelle du destin, DSK sort de la salle de bains, une serviette autour de la taille. La soubrette sursaute, surprise par cette apparition inattendue certes, mais surtout, par ces mâles effluves qui lui parviennent instantanément : en effet, DSK s'était savonné au gel douche Axe “Nicky Larson” (aux principes actifs d'écorce de gingembre, sève de bois-bandé, corne de rhinocéros et phéromones d'hyène en rut). L'espace d'un instant, l'homme qui sort de la douche n'est pas un sexagénaire ridé avec une serviette, mais un Apollon à la feuille de vigne, un éphèbe olympien en tunique de Nessos. Une lueur de désir illumine le regard de l'employée pendant une courte seconde. Cette lueur n'échappe pas à DSK, qui aperçoit  au même moment la blancheur immaculée des draps et les plis parfaitement rectilignes laissés par la blanchisserie ; le parfum entêtant d'amidon et d'assouplissant Soupline à la lavande provençale embaume la pièce : immédiatement, comme les respectables citadins grassois dans Le Parfum de Süskind, M. Strauss-Kahn devient l'esclave d'un fantasme très sale qu'il ne peut maîtriser une seconde de plus, empoigne la malheureuse qui, elle, avait déjà repris ses esprits, mais trop tard. Le vieux satyre lui fait subir les derniers outrages, et vous connaissez la suite.

Voilà, en quelques jours à peine, grâce à un peu d'observation et de déduction, j'ai résolu l'enquête DSK ! J'hésite tout de même à envoyer un fax au FBI, car je ne suis pas sûr d'avoir envie que les avocats de Strauss-Kahn viennent fouiller dans ma vie et l'étaler au public si jamais mes conclusions n'ont pas l'heur de leur plaire. Je préfère rester un blogueur pépère dans l'ombre.

Sinon, pour finir avec cette campagne publicitaire Axe vraiment très originale, voici quelques exemples qui illustrent la réaction, dans l'ensemble plutôt favorable, du public berlinois.

Ici sur la Skalitzer Straße, à Kreuzberg. Des autocollants judicieusement placés, et un message ajouté au feutre bleu sous le slogan publicitaire (c'est difficile à voir) : Gegen sexistische Kackscheiße, soit, “À bas la merde sexiste”. Pfff, quelle bande de rabat-joie ! Peut-être le public est-il plus réceptif à Friedrichshain ?




Sur cette affiche de la Petersburger Straße, à Friedrichshain, un abruti (ou plus probablement un gang de féministes castratrices déchaînées) a collé un autocollant disant, une fois de plus, Sexistische Kackscheisse. Tsss, vraiment ils ne comprennent rien à rien ces gens.



La palme revient à cette troisième affiche, sous un abri-bus à l'angle des Warschauer et Mühlenstraße. Les abrutis en question se sont donné encore plus de mal pour exprimer leur désaccord puéril. La pouffe de l'affiche se voit désormais armée d'une hache, et elle dit maintenant : Je sexistischer du bist, desto schmerzhafter wird's, soit en langage chrétien, “Plus tu es sexiste, plus ça fera mal”. Sur le flacon, le nom Axe est transformé en Axt, qui veut dire tout bêtement “Hache”. Un mystérieux gribouillis semble faire office de signature des auteurs de cette customisation. Eh bien, force est de constater qu'Axe a vraiment remporté la bataille de l'opinion à Berlin... Bien joué les publicitaires !




(*) Vous me croirez si je vous dis que je l'ai faite involontairement celle-là ? Je m'en suis seulement rendu compte à la quatrième relecture. Je suis presque mûr pour bosser dans la pub en Allemagne on dirait !
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